J’aimerais que tu deviennes un saint

Mon petit, dit Dieu, j’aimerais bien que tu deviennes un saint.

Ah, non Seigneur, pas ça, ça n’est pas possible. Regarde-moi, tu vises trop haut. Ca ne m’attire même pas ; ainsi quand je lis la vie de la plupart des saints, ceux qui sont officiels, homologués, avec une appellation contrôlée AOC, certes je les admire, mais de loin, et n’ai aucune envie de leur ressembler.
A te dire vrai, ils ne me paraissent pas tout à fait normaux.

Mais mon petit, je t’aime tant, dit Dieu, aussi je voudrais que tu sois heureux.

Certainement, Seigneur, comme ça, ça me convient, je ne demande qu’à être heureuse.
Mais il faut s’entendre sur le sens des mots, et je crains que nous ne mettions pas les mêmes choses sous le mot heureux.
Pour moi en gros, être heureux c’est me sentir bien dans ma peau, me sentir aimé par mes proches et mon entourage, et ne pas me poser des problèmes insolubles. Il faut le dire carrément, je ne me vois pas heureuse, si tout le temps je dois d’abord penser aux autres, faire passer les autres avant moi, si je dois accueillir, écouter, aider, donner à ceux que j’aime, comme à ceux que j’aime moins ou que je n’aime pas... Si je dois me restreindre sur le plan nourriture, sommeil, m’interdire des dépenses pas vraiment nécessaires, ni même utiles... etc. Seigneur, je t’assure, je ne serai pas heureuse si je dois faire effort, me dépasser. Je suis obligée de le reconnaître, j’apprécie mes aises, mon confort, ma sécurité, ma petite vie tranquille quoi.
Ce que tu as l’habitude de demander exige une conversion, un retournement, et c’est pénible, je t’assure. Je préfère refuser.

Certes mon petit, vu sous cet angle, je comprends ta réticence. Mais tu me parles d’une soi-disant perfection acquise à la force des poignets, à force de volonté, un peu comme un athlète qui se galvanise pour obtenir une médaille. Ce n’est pas ça du tout la sainteté.
La sainteté c’est : se laisser guider par moi.
Au lieu de compter sur toi, sur tes seules forces, il faut s’appuyer sur moi ; si au lieu de t’épuiser, tu voulais me faire confiance, si tu te laissais aller dans mes bras, mon petit, tu verrais ce que nous arriverions à faire tous les deux. Mais je t’en prie, pense un peu à moi. Tu es faible, soit, mais je suis fort ; tu es limité, je suis infini ; tu es égoïste, je suis l’Amour ; si tu me faisais confiance, quel saint tu pourrais être !

Vraiment Seigneur, Tu ne doutes de rien. Tu crois vraiment pouvoir m’aider. Tu sais pourtant que j’ai beaucoup de mal à discerner tes appels...
Bon, à la réflexion, je veux bien essayer, mais vas-y mollo, autrement, je ne suis pas d’accord.

C’est ça mon petit, l’important c’est d’accepter de se mettre en route. Après ça, le reste me regarde.

Alors, essayons, allons-y. Mais tu sais Seigneur, je doute quand même. Il va falloir que Tu y mettes un rude coup de pouce. Parce que moi...

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Françoise REYNÈS

Laïque mariste († 2011).

Publié: 30/11/2001