La femme adultère

Elle était là, à genoux, prostrée devant le Prophète, qui posait question à bon nombre de gens. Pas très rassurée, mais pas trop inquiète non plus. Cela faisait belle lurette qu’on ne lapidait plus les femmes adultères, mais avec les fanatiques religieux, il faut toujours se méfier, et son mari, son vieux mari à qui son père l’avait unie contre sa volonté, son vieux mari, dis-je, était riche et assez écouté. Elle lui avait dit qu’elle ne voulait pas de lui, mais il l’avait prise quand même ; et maintenant, il était furieux, naturellement. Mais, d’un autre côté, elle avait compris d’après les remarques qu’ils échangeaient entre eux, en la conduisant devant Lui, qu’il s’agissait surtout, non pas de la punir elle, la femme coupable, mais de tendre un piège au Prophète. Fallait-il appliquer la loi de Moïse sur la lapidation des femmes adultères ? Qu’il dise oui, qu’il dise non, il serait piégé.

Elle attendait donc, la tête baissée, mais à travers ses cils, elle le voyait assis qui baissait la tête aussi et dessinait par terre avec un jonc ; que dessinait-il ? Elle n’arrivait pas à voir.

Il régnait un silence impressionnant, d’autant plus impressionnant qu’à l’arrivée, quand elle avait été jetée devant lui, tous les hommes hurlaient, l’accablant de reproches, décrivant sa faute avec force détails, et parlant tous à la fois.

Alors qu’allait-il décider ?
Le silence se prolongeait, le silence était assourdissant. Et elle commençait à avoir vraiment peur, ses entrailles se retournaient ; elle pleurait doucement ; que ça finisse, qu’il parle, elle n’en pouvait plus.

Et dans ce silence, on l’a entendu qui disait calmement en les regardant dans les yeux, les uns après les autres : "Que celui qui est sans péché, lui jette la première pierre."

Mais elle, dans son affolement, elle a seulement entendu : "Qu’on lui jette la première pierre", alors elle s’est encore plus contractée. C’est pas possible qu’il ait dit ça, on le disait bon, miséricordieux, bienveillant avec les pécheurs...

Et elle a attendu, attendu, crispée, retenant son souffle, tremblant de tous ses membres.
Mais il s’est fait un petit bruit, et elle a vu son vieux mari qui s’éloignait, et puis un autre et un autre, et le mouvement s’est accentué et finalement, ils sont tous partis.

Elle était seule, là, devant lui ? Alors, elle a levé la tête et elle l’a regardé elle aussi dans les yeux, et elle a vu qu’il lui souriait, mais douloureusement.

Elle avait envie de l’embrasser, de lui dire merci, de danser. Délivrée, elle était délivrée, mais elle n’osait pas. Et il lui a dit seulement : "Va, et ne pèche plus !"

C’est vrai. Elle avait péché. Elle n’avait pas à danser, ni à crier de joie. Elle avait péché. Mais elle savait qu’elle était pardonnée.
Merci mon Dieu.

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Françoise REYNÈS

Laïque mariste († 2011).

Publié: 01/03/2004