Merci pour tes liturgistes, Seigneur !

Assez souvent, et même très souvent, je suis pleine d’admiration pour tes liturgistes Seigneur, qui ont beaucoup de talent, pour bien associer, parfois de manière subtile, mais le plus souvent de manière compréhensible, les deux lectures prévues pour le propre du jour en semaine.

Mais dernièrement, j’ai eu du mal pour voir le lien entre elles. Et il m’a fallu l’aide de mon curé, pour admettre le bien fondé de leur position. Il s’agissait du texte de St. Mathieu 7,21-29, et de celui de la Genèse 16,1-12.15-16. Dans le premier texte, Tu dis à tes apôtres que ce ne sont pas ceux qui disent "Seigneur, Seigneur" sans faire la volonté du Père, qui entreront dans le Royaume des Cieux. Tu as l’air de privilégier l’action par rapport à la parole car Tu vas très loin dans ton affirmation. En effet, Tu écartes ceux qui ont parlé en prophète, ceux qui ont chassé les démons en ton nom, et même ceux qui ont fait des miracles. Pourtant on pourrait penser que tous ceux là, sont en communion avec Toi. À mon avis, Tu y vas fort et même très fort. Pour Toi le faire est plus important que le dire ? J’en prends acte. Et je suis même d’accord avec Toi quand le dire édifiant de quelqu’un est en complète contradiction avec ses actes peccamineux (on est souvent très fort pour se leurrer soi-même).

Seulement l’exemple du "faire" tiré de la Genèse par tes liturgistes est peu persuasif. C’est l’histoire de Sarah, la femme d’Abraham, qui se fait du souci pour la réalisation de la promesse de Yahvé. Yahvé en effet a assuré qu’Abraham aurait une descendance nombreuse. Mais ça fait 10 ans que cette promesse a été faite et toujours rien en vue. Sarah sait qu’elle est stérile et ils sont tous les deux très âgés. Fort justement et bien dans la ligne que Tu conseilles Seigneur, elle pense qu’il faut sans doute, employer les grands moyens. Et pour faire, elle fait. D’après le texte, on voit bien que ça ne lui fait pas plaisir. Mais elle se résout à pousser Abraham dans les bras de son esclave égyptienne Agar. Abraham, lui, ne fait pas d’objection (on ne sait pas s’il y va avec empressement ou avec application) et on ne demande pas son avis à Agar. Elle est esclave et doit se plier aux ordres de sa maîtresse. Dans ce temps-là, comme vous le savez, le code du travail laissait beaucoup à désirer. On a fait des progrès depuis, preuve que le monde ne va pas toujours de plus en plus de travers, comme disent certain ; c’est à noter.

Mais revenons à notre histoire. Le projet de Sarah se met en place et Agar attend un enfant ; elle pense que sa situation va s’améliorer et devient méprisante vis à vis de sa vieille maîtresse. Sarah se plaint à Abraham qui, en homme sage (courageux mais pas téméraire), se garde d’intervenir dans le conflit entre les deux femmes (j’ai mis "les" deux femmes, car si j’avais mis "ces" je n’aurais pas su s’il fallait mettre "C.E.S. " ou "S.E.S." va savoir.) "Tu es la maîtresse, dit-il à son épouse, fais comme il te plaira". Et c’est au tour d’Agar de souffrir car Sarah ne lui ménage pas les mauvais traitements. Au point qu’elle s’enfuit au désert.

Un ange du Seigneur la rejoint, la console et lui conseille de retourner docilement auprès de Sarah pour que l’enfant vive. Elle le fait et Ismaël son fils deviendra, dit-on, le père de tous les Arabes. Fin heureuse pour elle et son rejeton.

Je trouve que cette histoire sonne vrai, elle est vivante et profondément humaine. Seulement je remarque que Sarah en ne se contentant pas de dire "Seigneur, Seigneur" et en passant aux actes, s’est gourée complètement. Abraham quelques années plus tard, en fera autant en voulant, faire plaisir à Yahvé, en immolant son fils unique. C’est ce qui est gênant dans les actes, Seigneur. On peut se tromper, même lourdement, en croyant bien faire, alors que dans la prière il y a me semble t-il moins de risque.

Et c’est là que mon curé est intervenu en me faisant remarquer que Yahvé n’est pas resté passif dans cette histoire. Il est intervenu auprès d’Agar pour que son fils ne meurre pas dans le désert ; Il est également intervenu auprès de Sarah qui à son tour a mis au monde un fils malgré sa stérilité et la vieillesse d’Abraham. Dieu nous poursuit tous avec amour pour nous faire avancer vers le projet de bonheur qu’il a pour chacun de nous. Il ne privilège pas les actes à la prière, comme j’ai cru le comprendre. Acte et prière, il faut les deux qui se complètent et peu importe si on se trompe, Dieu sait écrire droit sur des lignes courbes. Une fois de plus, tes liturgistes ne se sont pas trompés. Les deux textes vont très bien ensemble. Mais laisse moi te dire Seigneur que Tu es incroyable, incroyablement bon, serait plus juste. Je vois que Tu t’adaptes à nous, que Tu nous prends comme nous sommes, même pas très malins, que Tu ne te décourages jamais et ne nous laisses pas tomber. À croire que Tu crois en nous. Le credo renversé quoi ! C’est confondant non ?

Tu nous poursuis. J’aime bien cette image employée par mon curé. Elle révèle ta volonté, ta détermination, ton acharnement même à nous sauver, même si le cas est sinon désespérant au moins salement compromis. J’aurais envie de Te dire : "surtout, surtout, ne me lâches pas Seigneur, Tu vas y arriver" ; car rien ne t’est impossible si moi je n’y mets pas obstacle naturellement.

Mais, il va falloir que je modifie ma façon de penser, car j’aurais encore tendance à m’illusionner sur le soi-disant mérite que j’aurais, en faisant partie des chercheurs de Dieu, alors que c’est toujours Toi qui fait le premier pas et moi qui suis à la traîne.
Oui, mais au fond pourquoi me culpabiliser pour ça ? C’est normal que Dieu m’aime avant que je l’aime. Tous les parents normaux savent qu’ils aiment leur enfant dès la conception et parfois même avant, quand ils en sont encore au stade de l’espérance. L’amour c’est comme la pomme de Newton ça descend, ça tombe plus facilement que ça ne monte. Or Tu es Père Seigneur, donc Tu m’aimes avant que je T’aime. Mais Tu m’aimes plus fort que je ne T’aime. C’est évident !

Alors aide-moi Seigneur à T’en être reconnaissante et à avoir envie de Te faire plaisir le plus souvent possible. Ça, ça pourrait être dans mes cordes.

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Françoise REYNÈS

Laïque mariste († 2011).

Publié: 01/12/2007