Nos chants ont besoin de souffle, nos musiques d’Esprit…

Méditation que peuvent faire leur des chorales paroissiales et animateurs de chants

(extrait de l’intervention de Jean-Marie Beaurent, lors de la "veillée autour de Jean Baptiste" en clôture de la fête diocésaine de la musique liturgique, le 23 juin 2007 à Cambrai)

Plongés dans l’Esprit Saint, Baptisés dans le souffle de Dieu ….

Nos chants ont besoin de souffle, nos musiques d’Esprit…
Ce n’est pas seulement ici apprendre à respirer ou à interpréter techniquement…
Mais apprendre à chanter au souffle et au rythme de Dieu, entrer en harmonie, en consonance avec Dieu, symphoniquement…

Et d’abord se dire : je ne suis pas le Messie !
Je ne suis pas le Verbe, l’interprète de Dieu, le secrétaire de Dieu le Père, celui qui impose ses chants, ses musiques, ses goûts sa spiritualité, voire même sa théologie à l’assemblée…
Je suis Jean-Baptiste dans l’assemblée :
Voix qui crie dans le désert

Qu’est-ce que ça veut dire ?
Certainement pas ce que la caricature en a fait : je serais le seul à savoir, à être bien, à donner le ton, à en remontrer aux autres qui sont sourds, imbéciles et qui vont droit à leur perte… à faire mon numéro, mon petit concert, ma performance, en somme…

Je suis la voix qui crie : aplanissez le chemin du Seigneur !
Voilà le chant dans l’assemblée : ouvrir une route ! déblayer les cailloux, les obstacles, éliminer les montées trop pénibles, les ravins dangereux
Etre au service d’une rencontre : mettre en phase avec le Seigneur : faciliter un rendez vous !

Mettre en connexion : voilà le chant et la musique. Mettre en présence …
Un chant qui met en présence
Un animateur qui achemine et qui ne fait pas écran
Qui donne une impulsion, un rythme, qui ne gesticule ni ne violente jamais
Une chorale qui ne s’interpose pas entre l’assemblée et son Seigneur en monopolisant la conversation et l’attention, où à la fin c’est elle qu’on a envie d’applaudir,
alors que le seul artiste dans ce rendez vous, c’est l’Esprit Saint et le Christ et le Père qu’il faudrait applaudir et féliciter et remercier….
Etre Jean-Baptiste, quand on chante, quand on joue, quand on lit… quand on prépare la rencontre…
Faire traverser vers quelqu’un, et s’effacer quand Il arrive pour lui présenter ceux qui sont là…

Présenter Jésus aux gens et les gens à Jésus… voilà la musique liturgique…

Si on vient à la Lumière du Christ tous ensemble, si on est tous ensemble lavés par l’eau du baptême qui ruisselle à nouveau sur nos fronts, c’est pour que le Christ soit manifesté au peuple d’Israël, comme l’agneau qui enlève le péché, qui pardonne de la part de Dieu, et grâce à qui tout le monde se sent réconcilié avec Dieu et avec son frère…

C’est ça être plongés dans l’Esprit, baptisés dans son haleine, respirer au même rythme que lui…
Voir l’Esprit descendre….
Là encore c’est impossible pour nos vues de myopes.
L’Esprit c’est comme le Vent, c’est le souffle de Dieu : on ne sait ni d’où il vient ni où il va…
Mais pourtant on ressent ses effets, son souffle de tempête ou de zéphir…
L’Esprit ça fait bouger, ça décoiffe, ça pousse, ça renverse, ça soulève, ça caresse…
Et on voit bien ce qui se produit quand l’Esprit anime la musique
Le chant touche le cœur des miséreux
Il est généreux, il illumine , il calme aussi, il apaise, il console…
Il repose et pacifie, il redonne espoir à ceux qui pleurent
Il pénètre les replis des cœurs et nous fait entrevoir le paradis…
Il ne peut être vulgaire, il lave ce qui est sordide, il panse les blessures secrètes
Le voilà le chant de Dieu : ni raideur, ni froideur, ni mensonge

Aux cœurs qui se laissent porter, est donnée une force qui les emporte jusqu’aux cieux…
Ceux qui chantent et jouent selon l’Esprit, à ceux là il est donné de voir l’invisible.

J’ai vu l’Esprit descendre… dit Jean-Baptiste… Et nous témoignons, nous les chanteurs du Verbe, que l’on peut voir sa présence dans ce qu’Il produit chez les gens.
C’est Lui le Fils de Dieu s’exclame Jean Baptiste : Oui, j’ai vu et je rend témoignage
L’Esprit repose sur Jésus, le chant du Père au milieu de nous…

L’Esprit repose sur nous : celui-ci est mon fils bien aimé…
C’est Jésus qui est désigné là, mais c’est nous aussi, les enfantés du souffle, qui reprenons la mélodie divine… Elle nous enfante cette mélodie, elle nous engendre, elle nous met au monde de Dieu.

Le Verbe sur qui l’Esprit repose, ce visage d’homme, cette musique d’homme, nous baptise dans son Esprit, dans l’Esprit Saint…
Et la colombe plane sur les eaux, l’Esprit nous couve comme au début du monde… Une musique liturgique imbibée d’Esprit, çà doit faire éclore un nouveau monde… ça doit casser nos coquilles et ça doit faire apparaitre le nouvel être ; et il se montre, encore tout hésitant, mais déjà tout prêt à se blottir sous les ailes du Père…

Voilà : le chant et la musique ont rendu service : ils ont facilité la rencontre avec le Fils, avec le Verbe. Maintenant chaque personne va aller et venir, en suivant le Christ ; aller et venir, comme des êtres libres, comme des êtres chercheurs de l’essentiel : « Où est l’essentiel ? » « Où demeure donc Jésus ? ; où est-ce que ce chant nous mène ?
A l’abîme ? comme ce joueur de flûte qui entraînait toute la ville à sa perte …
Maître, où demeures tu ? Où est ton lieu ?
« Venez , voyez » D’abord venir, d’abord se lever, et mettre les pas dans les siens, avant de savoir le lieu… d’abord bouger avant de tout deviner de là où ça va nous entrainer, se mettre en mouvement, comme Dieu lui-même, Parole qui bouge et fait bouger, Chant qui nous fait bouger, et danser à sa suite…
Entrer dans la danse de Dieu qui nous entraine. Le suivre dans son rythme, ses sentiers, sa mélodie, rester près de lui. Etre avec avant que de s’asseoir. Pas d’abord savoir où on va s’arrêter, mais lui tenir la main comme il nous tient la nôtre… Suivre le mouvement.
Voilà à nouveau l’Esprit.
Demeurer là tout en bougeant… Aller tout en demeurant… ça c’est Dieu, ça c’est la paix de la musique liturgique…. Ça avance, ça bouge, ça pulse, ça cantille , calés sur le rythme des pas du pasteur qui appelle ses brebis , et en même temps ça demeure, ça balance, c’est équilibré, ça pose… ça nous fait entrer dans le Repos du Shabbat, dans le repos et la contemplation du 7e jour .
Repos de la liturgie : aucun ennui, il y a du rythme, de la nouveauté, de la redécouverte incessante, en même temps dans un climat d’admiration, de contemplation, d’obéissance attentive. C’est ça le Shabbat, c’est ça le dimanche, notre Shabbat à nous, décalé à cause de la Résurrection…
C’est ça la liturgie…
Quand on demeure avec Jésus, dans la paix de ses apparitions sacramentelles, tout prend sens, tout prend son allure de fête, son habit de lumière et de grâce, tout se met à respirer…

Voilà le chant liturgique : demeurer en ses parvis et redonner à tout, à chaque chose, à chaque être, sa dignité, sa beauté.
Prendre le temps de tout remettre en grâce…

Que tout ce qui vit et respire rende grâce au Seigneur…
Jardin de prière où chaque chose devient offrande, et chaque vie devient louange.

Prends nous en pitié Seigneur, qui sommes tellement loin de ta grâce, de ta gratuité
Prends en nous en pitié qui gâchons les choses et blessons les êtres
Prends nous en pitié qui les heurtons et les pressons
Prends nous en pitié qui n’avons pas ta patience, ni ton regard, ni ton admiration
Prends nous en pitié qui détonnons de ton rythme, de ta mélodie
Qui voulons imposer les nôtres…
Au lieu de laisser vivre les tiennes
Prends nous en pitié qui bousculons les liturgies, qui les expédions, qui les meublons de choses futiles et bavardes, au lieu d’y être attentifs à la sonorité des êtres et de Ta Voix…

Envoie ton Esprit et tout sera créé : Tu renouvelleras la face de la terre…

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Jean-Marie BEAURENT

Prêtre du diocèse de Cambrai, directeur de l’Institut international foi art et catéchèse (†2009).

Publié: 01/10/2007