Converser

Plus que par le passé, des demandes de formation autour de "la résolution des conflits" sont de plus en plus nombreuses. Serait-ce que les conflits sont plus fréquents dans les relations humaines ? Cette demande interroge et nécessite une approche nouvelle. Pourquoi parler de conflit dès qu’un différend s’exprime dans la manière de concevoir les choses ? N’est-ce pas trop rapide de désigner par “conflit“ ce qui ne serait que l’expression de différences ?

Tout cela peut être perçu comme le signe de la fragilité de nos convictions et de nos valeurs, tout autant que de la difficulté, ou même de l’incapacité, à échanger et à débattre. Ne rentre pas nécessairement en conflit avec moi celui qui s’affirme différent de moi par sa vision du monde. Au contraire, s’exercer à vivre cette différence, n’est-il pas un moyen d’approfondir mes convictions ?

Cette situation révèle aussi la faiblesse de certains débats dans la société. Bien souvent, dans ce que nous entendons, au lieu d’échanges enrichissants, ce ne sont que des monologues qui se juxtaposent ; au lieu d’une vraie écoute, c’est parfois même un manque de respect pour la parole d’autrui. Cette incapacité à l’échange se traduit soit par l’indifférence et la peur de se dire. Pour éviter l’affrontement, et du même coup, pour faire prévaloir sa conviction, on ne cherche pas à écouter l’autre.

"Conservons l’idée qu’il convient de converser sans nécessairement vouloir convertir". L’invitation, transmise par un ami, clarifie cette problématique contemporaine. "Converser" c’est s’entretenir avec, causer, s’expliquer… tout simplement parler, écouter, échanger. Quoi de plus fondamental que tout cela ? Aurions-nous perdu la parole dans cette société si bruyante ? Ne saurions-nous plus avoir une conversation ? Aurions-nous peur d’échanger au risque de changer ?

Tout cela révèle bien les fragilités du temps présent, où nous ne recherchons plus trop des moments de réflexion personnelle qui seraient des moments privilégiés de conversation avec nous-mêmes. Si nous n’accueillons pas nos émotions, si nous ne laissons pas résonner ce que nous avons reçu des autres, comment peuvent se fonder nos propres convictions ? Toujours soumis à la pression de la rue et de l’opinion publique, nous négligeons notre intimité. Nous ne construisons pas notre être profond et nous perdons l’assurance de nos valeurs.

C’est ainsi que notre fragilité peut être la source de ce que nous nommons conflit : mal assurés en nous-mêmes, nous percevons les autres comme des agresseurs. Pour grandir en humanité, nous devons donner du prix à la conversation, au débat, à la lecture… qui sont source d’enrichissements. Alors nous prendrons mieux conscience de ce que nous sommes dans la rencontre avec l’autre qui, lui aussi, cherche à grandir. Pourquoi avoir peur de l’échange qui, dans ces conditions, ne sera jamais une entreprise de démolition réciproque ? L’heure est bien venue de "conserver l’idée qu’il convient de converser sans nécessairement convertir" !

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Michel AMALRIC

Prêtre du diocèse d’Albi, chargé de la communication.

Publié: 01/09/2009