L’icône de l’hospitalité d’Abraham ("Trinité") de saint Andreï Roublev

L’hospitalité d’Abraham de St Andreï Roublev

L’icône originale est très grande : elle mesure 141 cm x 112 cm. Elle faisait partie initialement de l’iconostase de la cathédrale de la Trinité de la célèbre laure (monastère) de la Trinité à Zagorsk (actuellement Serguiev Possad), à 60 km au nord-est de Moscou.

Lecture descriptive

Les trois personnages ont des ailes, des auréoles, des bâtons. Leurs visages se ressemblent : ils sont habillés de la même façon, mêmes tuniques et manteaux, mais dans des couleurs différentes. Ils ont en commun une couleur bleue. Ils sont assis autour d’une table.

L’ange du milieu et l’ange de droite ont un même mouvement de tête vers l’ange de gauche, qui renvoie ce mouvement à l’ange de droite. Celui-ci, par le regard et par la main, prolonge le mouvement vers la coupe et la petite ouverture rectangulaire qui se trouve sur le devant de la table.

L’ange central est légèrement surélevé, il porte les couleurs impériales pourpre et bleue ; l’ange de gauche a un manteau aux couleurs chatoyantes et l’ange de droite un manteau vert, tous deux ont une même tunique bleue.

La coupe sur la table occupe une place importante : elle est au centre des trois personnes ; leurs mains droites sont orientées vers elle ; la table forme elle-même une coupe.

Les trois personnages s’inscrivent dans un cercle formé par le mouvement de leurs corps et de leurs têtes ; ils s’inscrivent aussi dans un cercle plus vaste qui englobe le rocher - quelque peu effacé -, l’arbre et la maison, au-dessus de la tête de chacun des trois personnages.

Un axe central vertical réunit l’arbre, le personnage central, la coupe et la confessio, c’est-à-dire l’ouverture rectangulaire devant la table : c’est l’ouverture que l’on trouve dans les autels romains pour laisser aux fidèles la possibilité de voir le tombeau des martyrs sous l’autel.

Lecture biblique et théologique

L’origine de la scène se situe dans la vie d’Abraham, rapportée dans la Genèse ().

Abraham reçoit, avec de grandes marques d’attention, trois voyageurs mystérieux qui lui annoncent que, malgré son grand âge, Sarah, sa femme, enfantera l’enfant que Dieu lui a promis. En raison de cette origine, l’icône porte le nom de l’hospitalité d’Abraham.

La scène biblique est devenue rapidement pour les chrétiens une scène de la révélation de la Sainte Trinité, si bien que l’icône porte aussi le nom de Colloque divin ou Conseil éternel.

L’icône a ainsi deux dimensions inséparables. Elle représente une scène de la vie d’Abraham et évoque en même temps les plus grands mystères chrétiens.

Les trois pèlerins deviennent les trois personnes divines, les bâtons leur sceptre de puissance. La table avec une unique coupe est l’autel. Le rocher est tout à la fois l’évocation de la montagne du sacrifice d’Isaac et de la montagne du Golgotha. L’arbre, c’est le chêne de Mambré, mais aussi l’arbre de vie des origines, relié à l’eucharistie par l’axe central de l’image. La maison, c’est l’évocation de la tente d’Abraham et du temple qu’est l’Eglise.

Croire au Dieu Trinité, c’est changer l’image qu’on se fait de Dieu. C’est aussi changer l’image qu’on se fait de l’homme. Croire au Dieu Trinité, c’est en même temps croire en l’homme. Si la vie de Dieu est vie de relation, l’homme, créé à son image, se réalise en devenant un être de relation. Oui, vraiment, tout homme est une histoire sacrée !

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Louis RIDEZ

Prètre du diocèse de Lille, responsable du Service bible art paix de Pax Christi France.

Publié: 01/10/2022