Jésus retrouvé chez les Docteurs du Temple

Comment ne pas être désarçonné en écoutant la lecture de cet épisode de la vie de Jésus enfant, et particulièrement si nous sommes parents, grand-parents, éducateurs ?
Comment, ce qu’on peut appeler une fugue de trois jours, la recherche angoissée de Marie et Joseph, la réponse étonnée et décisive de Jésus ne viennent-elles pas déstabiliser l’image que nous avons de Jésus enfant, avec les qualificatifs qui lui sont donnés, de « sage » et de « soumis » et qui là correspondent bien à l’image que nous avons de lui et de que nous voudrions reconnaître en tout enfant, particulièrement chez les nôtres !
En effet cet épisode de Jésus au Temple est comme encadré par 3 versets.
Il est introduit par le verset 40 :
« Quant à l’enfant, il grandissait et se fortifiait, tout rempli de sagesse, et la faveur de Dieu était sur lui. »
Et il se termine par les versets 51-52 :
« Jésus descendit avec eux pour aller à Nazareth ; il leur était soumis ; et sa mère gardait tous ces évènements dans son cœur. Jésus progressait en sagesse et en taille, et en faveur auprès de Dieu et auprès des hommes. »
Et pour tout arranger, c’est au cœur des mystères joyeux, que l’Eglise nous propose de méditer cette page d’évangile, alors qu’il est question d’un enfant perdu, d’une recherche pleine d’angoisse pendant 3 jours, et que même retrouvé, c’est l’incompréhension de Marie et de Joseph qui domine : « ils ne comprirent pas ce qu’il leur disait. »
Mais le verset suivant nous dit « Sa mère gardait toutes ces évènements dans son cœur. » Et c’est ce que nous allons essayer de faire ce soir.

Partons ensemble à Nazareth.
Jésus a 12 ans, c’est l’âge de la majorité religieuse du jeune juif, l’âge auquel il doit être capable de lire publiquement la Torah, l’âge où il est reçu officiellement dans la communauté, au cours de la Bar Mitsva.
Marie et Joseph ont éduqué leur enfant dans la fidélité aux coutumes juives, et c’est « comme chaque année qu’ils vont à Jérusalem pour la fête de la Pâque. »
Ils prennent la route comme de coutume. Et au retour, il est évident pour eux que Jésus est dans la caravane, avec des membres de leur famille ou de leurs connaissances, comme de coutume.
Mais voilà qu’il n’y est pas. Voilà que Jésus n’est pas dans le cercle familial et les personnes connues. Il n’est pas dans leurs « connaissances » et ils vont devoir le chercher dans un ailleurs et un autrement. Et voilà que cette recherche dure 3 jours et se vit dans une grande souffrance, une grande angoisse.
Jésus est cherché là où il n’est pas, pendant 3 jours, comme le feront Marie-Madeleine et les disciples plus tard.
Ce pèlerinage à Jérusalem pour ses 12 ans est pour Jésus bien plus qu’ un rite, une coutume.
Il marque un tournant dans la vie de Jésus.
Au cœur du Temple, au milieu des docteurs en Israël, Jésus écoute et interroge.
Ce qu’ils se disent, nous ne le savons pas. Ce que nous savons, c’est que dès ce jour, la parole de Jésus laisse tous ceux qui l’entendent dans l’émerveillement.

Arrivent Marie et Joseph, stupéfaits eux aussi de le trouver là.
La question de Marie fuse : « Mon enfant pourquoi nous as-tu fait cela ? Vois ton père et moi nous te cherchions tout angoissés ? »
Mon enfant, Marie emploie le mot qui exprime « celui que j’ai enfanté », la chair de ma chair, insistant ainsi sur sa détresse de mère. Mais pourtant, Marie ne condamne pas son fils , elle dit à la fois son incompréhension devant l’acte qu’il a posé et son désir de comprendre « Pourquoi ? », ouvrant ainsi un dialogue. Et elle engage Joseph dans cette question. C’est envers eux que Jésus a agi lui semble-t-elle : « pourquoi nous as-tu fait cela ? »
C’est alors que leur est donné d’entendre vraiment qui est leur Fils, ce qui est au cœur de son être et de sa mission « Il me faut être aux affaires du Père, être chez mon Père ». Jésus, avant d’être leur enfant, est le Fils du Père. Jésus met une distance dans ses relations familiales. Il devient pour eux et pour chacun, un vis à vis, une personne qu’ils ne peuvent « saisir », prendre, ni comprendre. « Ne me retiens pas… »
C’est ce que le Père confirmera lors du Baptême de Jésus, au seuil de sa vie publique, « celui-ci est mon fils bien-aimé ». C’est l’amour du Père qui le précède oriente toute sa vie. Et c’est bien cela qui est affirmé lors de chaque baptême, que nous soyons enfant ou adulte.

Première parole de Jésus qu’il nous est donné d’entendre, et en cette parole, le Verbe de Dieu nous révèle tout le sens de sa vie : cette vie tellement ordinaire et discrète de Nazareth durant 30 années, il nous en donne le sens, elle est déjà toute tournée vers le Père, tout autant que le seront les 3 années de vie publique et les trois jours de Passion Résurrection.
Première et seule parole de Jésus qui nous soit rapportée en 30 ans.
Jésus a 12 ans, il peut poser une parole de maturité : le fondement et toute l’orientation de sa vie, c’est vivre en envoyé du Père, et tout est dit. 
Tout dans la Vie de Jésus est subordonné, marqué, animé par sa relation au Père.
Saint Luc, qui est le seul à nous rapporter cet épisode, qu’il reçut sans doute de Marie elle-même, est aussi l’évangéliste qui nous rapporte la dernière parole de Jésus à sa mort « Père, en tes mains je remets mon esprit ». Sa dernière parole est pour son Père.

Une seule parole, qui est relation et mission, et Jésus s’enfonce à nouveau dans le silence et la vie toute ordinaire de Nazareth.
Mais cette vie à Nazareth va désormais être habitée par cette parole fondatrice, tant au cœur de Jésus qu’au cœur de ses parents qui ne peuvent en comprendre alors toute la portée. Ils sont devant le mystère que représente toute personne humaine, tout enfant de Dieu, ils sont devant le mystère du Fils de Dieu.
Et Jésus redescend avec eux.
Et Marie garde
Quand l’évangéliste Luc emploie ce mot de « garder », il reprend ce que Jésus dit quand il parle de sa mère « heureuse celle qui écoute la parole et qui la garde, celle qui fait la parole », c’est à dire celle qui laisse la parole labourer son cœur jusqu’à ce qu’elle prenne chair en elle, jusqu’à ce que la Parole devienne sa vie et que sa vie devienne un livre ouvert pour tous ceux qui l’approchent.
En effet, si Marie a donné visage humain au Fils de Dieu et a éduqué son cœur d’homme, elle-même, depuis ce jour de l’annonce de l’ange jusqu’à sa propre mort, a consenti à laisser l’Esprit façonner en elle le visage et le cœur de son Fils. Les paroles qu’elle entend de son enfant ou qu’elle entend à propos de son enfant, les évènements de la vie de son Fils ne cesseront de la réjouir ou de transpercer son cœur. Mais Marie, loin d’en rester aux sentiments qu’ils provoquent, sera toujours celle qui cherche à comprendre et à se laisser transformer en tout son être par paroles et évènements.

Demander au Seigneur la grâce de connaître ce qui fonde ma vie et en vivre,
Accueillir le mystère de tout être humain,
Laisser paroles et évènements qui me bousculent faire leur chemin en moi et façonner mon cœur à l’image du Fils, c’est peut-être ce que nous pouvons demander ce soir au Seigneur, pour chacune, chacun de nous, par l’intercession de Marie.

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Chantal DE LA FORGE r.c.

Religieuse à la Maison du diocèse de Cambrai à Raismes, France

Publié: 01/02/2012