Les quatre Évangiles

Avant les Évangiles

La prédication de Jésus (jusqu’en 30) a été suivie par une transmission orale (30-40), puis par des résumés, collections de paroles à usage catéchétique, liturgiques mais perdus (40-50), suivis des lettres de Paul (50-67), de Jacques (50), de Pierre (avant sa mort en 64) et enfin par des synthèses : les Évangiles.

On pense que deux recueils leur ont servi de base : un recueil connu de Marc (et par lui de Matthieu avec 330 versets en commun) et un recueil appelé Q (Quelle = source), perdu, qui aurait servi à Luc et Matthieu (230 versets communs). L’Évangile de Jean est le plus tardif.

Les Évangiles ne sont pas des récits biographiques mais ont été écrits par des croyants pour des croyants.

Les auteurs

Matthieu

L’attribution au collecteur d’impôts, Matthieu ou Lévi, de l’Évangile est peu probable, malgré les nombreuses allusions à l’argent. Peut-être un judéo-chrétien lettré proche de l’apôtre.

Marc

Peut-être le disciple Marc, mais plutôt Jean-Marc qui fut aussi le compagnon de Paul et cousin de Barnabé. Marc serait l’interprète et l’écho de la prédication de Pierre à Rome.

Luc

Médecin, de culture grecque. Auteur aussi des Actes des Apôtres. Compagnon de Paul aux 2e et 3e voyages et à Rome. Il n’est pas palestinien. Seul évangéliste non-juif.

Jean

Jean, l’apôtre (un des deux fils de Zébédée) ou Jean l’Ancien, un autre disciple inconnu par ailleurs. On pense aussi à une école johannique.

Les dates et lieux

Matthieu

An 80 - 85, après l’exclusion des judéo-chrétiens de la synagogue.
Peut-être Antioche de Syrie. Le récit en grec aurait été précédé d’un écrit perdu en araméen.

Marc

Entre l’an 64 et 70, à une date très proche de la destruction du Temple.
À Rome : après la mort de Pierre et de Paul, en période de crise. (Pendant le règne de Néron, guerre civile en Judée).

Luc

An 80 - 90, après la destruction du Temple en l’an 70 par Titus.
On ne sait pas localiser le lieu de sa rédaction.

Jean

An 90 - 100, mais la rédaction peut être étalée sur plusieurs décennies.
Rédigé hors de la Palestine, peut-être à Ephèse ou en Syrie.

Les styles

Matthieu

Utilise des éléments communs à Marc et Luc, mais les organise de manière plus complexe (répétitions, présentations antithétiques). C’est un enseignement (5 discours) plus qu’un récit anecdotique. Le style est celui d’un avocat plaidant une cause. À la manière hébraïque, en montrant en Jésus le réalisateur des annonces des prophètes. On sent y une grande tension avec le judaïsme : Matthieu est le plus juif et le plus anti-juif.

Marc

Premier témoignage, parlé plus qu’écrit, à la manière d’un reporter : vocabulaire restreint, style lapidaire. Donne beaucoup de détails pris sur le vif (recherche de Jésus par les siens, coussin dans la barque, herbe verte, salive, doigt dans les oreilles, fuite du jeune homme). Très attentif aux sentiments humains (impatience, colère, peurs, jalousie, lenteur à croire). La Palestine est le cadre des événements.

Luc

Luc est un écrivain qui se veut historien mais à la manière d’un croyant : Livre très construit, vocabulaire riche, varié et grec correct. Beaucoup de délicatesse dans ses récits concernant Jésus et la manière des disciples de s’adresser à lui. Il atténue systématiquement tout ce qui est trop violent.

Jean

Style : longs développements théologiques à partir d’événements ou de rencontres. Dans les dialogues, Jésus prend appui sur les réalités d’en bas (l’eau, le pain, la vue, la vigne, le berger) pour emmener ses auditeurs à un niveau supérieur de compréhension. Jésus est toujours présenté comme maître de son destin, à la démarche souveraine.

Les destinataires

Matthieu

Milieu judéo-chrétien surtout. Évangile par excellence de l’Église pour « l’Église » ( et ). Les disciples ne sont pas « obtus » mais sont des figures-types proposées aux croyants. L’Évangile propose une formation pour être missionnaires : « Allez, faites des disciples » ().

Marc

Milieu romain (insistance sur la puissance de Jésus, vertu appréciée à Rome) de païens convertis (les expressions araméennes Abba, corban, thalita koum, ephata sont traduites) en milieu urbain, mais menacés par les persécutions de Néron.

Luc

Milieu païen de culture grecque. Peu familier de la géographie de la Palestine (les villages deviennent des villes) et des usages du pays et de la loi juive (la présentation au Temple n’était pas requise).

Jean

Milieu pagano-chrétien cultivé marqué par les philosophies grecques et le mysticisme oriental auxquels Jean emprunte le langage pour traduire sa perception du Christ toujours présenté comme l’Être divin, préexistant.

Les buts et thèmes

Matthieu

Matthieu montre en Jésus l’accomplissement des Écritures (129 références à l’Ancien Testament), et le présente comme un maître de grande dignité. Jésus est aussi le Messie-Roi (origine davidique, les mages, les lois du Royaume). Le Royaume (55 fois) des cieux (37 fois), plutôt que de Dieu) figure au début des paraboles. Universalité, les mages au début, l’envoi en mission à la fin, l’épisode du fils guéri d’un centurion, de la syro-phénicienne.

Marc

Jésus Christ, Fils de Dieu : affirmé dès le début, caché aux hommes (le secret messianique), reconnu par les démons, révélé aux disciples (confession de Pierre), révélé aux païens (centurion à la croix). Peu de discours, beaucoup de controverses. Les disciples sont très présents : appel, mission, lenteur à croire, incompréhension, regroupement.

Luc

Donne le plus de détails sur la vie de Jésus, un Fils de l’homme, de très grande humanité. Caractéristiques et thèmes : fréquence de la prière de Jésus, l’universalité du salut (ancré dans l’Ancien Testament), la miséricorde : grande place aux méprisés, aux enfants, aux femmes (plus d’une dizaine), la conversion (larron, Pierre), la joie, l’Esprit Saint.

Jean

« Pour que vous croyiez ! » C’est le récit de la longue marche de Jésus vers son élévation- glorification. Importance des signes. La vie éternelle au lieu du Royaume. La royauté du Christ : thème dominant dans le récit de la passion. Thèmes fréquents : le monde, ténèbres / lumière, vérité / mensonge, gloire de Dieu / gloire des hommes.

Les plans

Matthieu

Soit chronologique : ministère en Galilée, puis en pays païen avec la montée à Jérusalem, à Jérusalem. Soit pédagogique : les cinq discours : sermon sur la montagne (5-7), mission des Douze (10), sept paraboles du Royaume (13), discours sur l’Église (18), les derniers temps (24-25).

Marc

En Galilée (1,14 à 6,13), hors frontières (6,14 à 10,52), au centre : la confession de Pierre (8,27-9,13), à Jérusalem (11,1-15,47 ). Le dernier chapitre a été ajouté plus tardivement.

Luc

Récit de l’enfance, mission en Galilée, montée à Jérusalem, accomplissement du salut (Passion, Résurrection, apparitions).

Jean

Prologue solennel (1,1-18), événements et enseignements (1,19-12,50), Passion et Résurrection (13,1-21,25).

Les documents les plus anciens

On dispose de 5 700 manuscrits du Nouveau Testament, fragmentaires pour la plupart (papyri, onciaux, minuscules). Tous en grec.

  • 125 papyri :
    - P52, fragment le plus ancien (vers 120).
    - Codex P66 (vers 200) : Jean presque complet.
    - Codex P45-P47 (vers 180-200) : des parties importantes des évangiles, lettres de Paul, Apocalypse.
    - Codex P75 (vers 175-225) : la moitié de Jean et de Luc.
  • Parchemins en onciaux (majuscules) :
    - Sinaïticus (Ancien Testament incomplet, Nouveau Testament complet, vers 325-350) et
    - Vaticanus (vers 340, Ancien et Nouveau Testament presque complets).
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Aloyse SCHAFF

Capitaine de Port Saint Nicolas.
Prêtre du diocèse de Metz. Fut professeur de sciences physiques et directeur du lycée Saint-Augustin à Bitche (57).
Activités pastorales dans les communautés de paroisses du Bitcherland.
Animation d’ateliers d’information et de réflexion sur les textes bibliques et l’histoire chrétienne : Pères de l’Eglise, fondateurs des grands ordres religieux, les grands papes, les grands saints du Moyen-Âge, du XVIe siècle. Des présentations à découvrir sur le site.

Publié: 01/04/2018