Le Christ Roi de l’Univers
1. « On venait de crucifier Jésus. » Une affaire terminée. Ainsi commence de manière singulièrement anodine, ordinaire, le récit d’un moment hautement tragique. Pour en arriver là, il fallut bien d’abord étendre son corps nu sur le sol pour clouer les poignets sur une traverse de bois. Il fallut ensuite que deux soldats le prennent à bras le corps pour hisser cette traverse sur son pilier en attente. Il fallut enfin que l’un d’entre eux prenne clou et marteau pour lui percer les chevilles. On n’ose imaginer les cris de souffrance de ce corps encore vivant. « On venait de crucifier Jésus. » Ce « on » comme si cela s’était fait tout seul, comme si on ne connaissait pas ceux qui l’avaient exécuté. Ce « On » qui cache pourtant tant de monde qu’on préfère n’en nommer personne. Ah ! Cet anonymat de la violence qui fait que les bourreaux se mettent des cagoules, qui fait que chacun d’entre eux peut dire « Ce n’est pas moi » ou « J’ai obéi aux ordres ».
2. On s’interroge tout de même. Pourquoi en est-on arrivé là ? Jésus n’aurait-il pas pu éviter cela ? Il connaissait la cruauté des Romains. Il en avait vu des crucifiés au bord des routes fréquentées pour l’exemple. Il avait entendu leurs cris. Il connaissait aussi la haine des chefs du Temple et les risques qu’il prenait en montant à Jérusalem. Ses disciples le lui avaient rappelé : « Rabbi, les chefs des Juifs tout récemment cherchaient à te lapider, et tu retournes en Judée ! » Il aurait suffi qu’il ne se rende pas à Jérusalem ; il aurait suffi qu’il se taise pour ne pas se mettre à dos ceux qui l’accusaient de blasphème, ce blasphème qu’il fallait, selon la loi, laver dans le sang. Il l’avait pourtant prévu le Jeudi saint. « En rémission des péchés » avait-il dit. Incompréhensible pour les apôtres assis à cette table. Comment peut-on laver dans le sang ? Comment peut-on vivre selon la loi par mort d’homme ? Jésus n’aurait-il pas pu « sauver le monde » de sa malfaisance homicide autrement qu’en acceptant d’en être la victime ? Fallait-il de la souffrance ? Fallait-il du sang pour cela ? Impossible de penser qu’un Père puisse exiger cela de son Fils ! Alors pourquoi ce sang ? Pourquoi cette mise à mort infamante ?
3. La réponse à notre question est à lire dans ce que Jésus appelle sa mission. Il a parcouru les chemins des hommes pour ne dire qu’une parole : « Aimez-vous les uns les autres comme moi je vous aime, comme mon Père vous aime. » On n’en a pas voulu. Alors, parce que l’amour ne peut jamais être bourreau mais victime, on lui fit prendre le chemin du calvaire et la croix fut sa dernière parole, la parole ultime, celle au-delà de laquelle il ne put plus rien dire. Elle n’était plus faite de mots mais de chair et de sang. Jésus n’a pas choisi la souffrance et la croix. On l’a mise sur ses épaules, et il l’a acceptée pour montrer jusqu’où pouvait aller son « Je vous aime » !
4. Il peut sembler paradoxal de présenter aujourd’hui le Christ crucifié comme Roi de l’univers. Il n’a ni les apparences, ni les pouvoirs que se donnent ceux qui entendent diriger ce monde. Il ne pouvait pas savoir, Pilate, que le mot roi est inscrit au creux du mot croix, que l’amour serait toujours victime et jamais bourreau. Il ne savait pas qu’arriverait le jour où l’instrument de la mort par la haine deviendrait le signe de la mort de la haine. Jean d’Avila, un prédicateur exceptionnel du 16e siècle, nous le rappelle : « Levez la tête pour regarder devant vous le Crucifié, non pas le Christ mort, mais le Christ qui vous regarde et qui vous attend les bras grands ouverts. » Les yeux grands ouverts, tels ceux du Christ crucifié que l’on peut voir dans l’église franciscaine Saint-Damien d’Assise. Un regard qui nous dit « Viens, suis-moi » pour nous appeler à la maîtrise de nos pulsions de violence, de nos refus de pardonner, et nous libérer de la froideur de notre attachement. De ce Roi de l’Univers, faisons-en d’abord le Roi de notre cœur !
Par ta croix, rappelle-nous, Seigneur, que nous pouvons nous aussi, si nous voulons bien lever les yeux, essuyer des visages meurtris comme la légendaire Véronique. Que nous pouvons nous aussi, comme Simon de Cyrène, accepter de prêter nos épaules pour qui a besoin de notre aide.

Capitaine de Port Saint Nicolas.
Prêtre du diocèse de Metz. Fut professeur de sciences physiques et directeur du lycée Saint-Augustin à Bitche (57).
Activités pastorales dans les communautés de paroisses du Bitcherland.
Animation d’ateliers d’information et de réflexion sur les textes bibliques et l’histoire chrétienne : Pères de l’Eglise, fondateurs des grands ordres religieux, les grands papes, les grands saints du Moyen-Âge, du XVIe siècle. Des présentations à découvrir sur le site.
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