Le changeur et sa femme, de Quentin Metsys (1514)

Cette œuvre de Quentin Metsys (Louvain 1465 - Anvers 1530), de 71 x 67 cm, est visible au musée du Louvre, à Paris.
Elle fait référence à un verset du Lévitique.

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Le geste est précis et le front plissé par la concentration. Il s’agit d’or et de perles, matières précieuses entre toutes. Le changeur pèse monnaies et bijoux, métaux rares et riches orfèvreries. Son métier demande un geste juste.

Près de lui, silencieuse pour ne pas troubler les savants calculs, sa femme feuillette son livre d’heures, et découvre sous ses doigts fins une Vierge à l’enfant enluminée. Les deux époux sont penchés l’un vers l’autre, dessinant une arcade complice. Par cette arcade invisible, la femme introduit un peu de sa dévotion dans la minutieuse activité de son mari. Avec délicatesse, elle semble lui montrer son livre de prières… Rappelle-toi… 

Rappelle-toi « que la balance doit être juste et les poids égaux » comme le livre du Lévitique l’ordonne. Ce verset était d’ailleurs inscrit sur le cadre de l’œuvre. Les siècles ou plutôt un propriétaire jugeant l’injonction trop grave l’ont effacée.

Il faut être juste ! Juste de la justesse du geste, et juste de la justice envers tout homme. Les passants de la rue sont si près qu’on les devine en arrière-plan. Finalement, est-on vraiment propriétaire de nos richesses ? Peut-on se croire seul quand il s’agit des biens que Dieu donne à tous ?
On ne peut pas le croire si l’on croit que nous-mêmes, créatures humaines, nous avons été rachetés. Rachetés au prix exorbitant du sang divin.

Le peintre a posé un miroir sur la table, et, candide, l’a tourné vers nous, comme une discrète et efficace invitation à la justice. On y devine le peintre, et une belle fenêtre dont le châssis dessine nettement une croix.

Sur l’étagère, au-dessus du changeur, parmi les documents, un fruit vermeil et un vase de cristal semblent s’être égarés. Désordre ou symbole ? Le fruit est ici signe du Christ qui a racheté l’humanité de sa faute. Quant au vase, il est invitation à être purs et transparents comme un cristal.

A peine représenté, le Christ est pourtant partout présent. C’est lui qui nous a rachetés, sans calcul, payant le prix fort sans hésiter. Oublierions-nous cette offrande en bafouant nos frères de rachat et en oubliant la simple justice ?

Tout est ici disposé pour évoquer une autre pesée que celle de l’or, celle de nos vies, pesées, c’est notre foi, avec justesse et justice à l’aube de l’éternité.
Depuis des siècles, ce couple aux cimaises des musées, humblement nous le rappelle : notre foi, notre prière, notre désir et nos efforts pour vivre comme des justes forment le trésor que Dieu veut peser.

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Venceslas DEBLOCK

Prêtre du diocèse de Cambrai, responsable de la Commission d’art sacré.

Publié: 01/07/2018