Je vous ai rencontrés

Maguelonne a trois ans, elle est éveillée. Parfois, ses propos inattendus surprennent ses parents : « Où va-t-elle chercher ça ? » se demandent-ils. Il y a quelques jours, elle était avec eux à la maternité pour rendre visite à un nouveau-né. S’adressant à ses parents elle leur dit : « C’est là que je vous ai rencontrés ! » Leur éclat de rire dit leur étonnement devant une réflexion qui ne peut que venir d’elle, confirmant les propos de Khalil Gibran, à l’adresse de parents : « Vous pouvez leur (à vos enfants) donner votre amour mais non point vos pensées. »

Cette réflexion de Maguelonne n’est-elle pas révélatrice d’une personnalité naissante ? Ne dit-elle pas quelque chose de très profond et de très vrai, même si elle bouscule la logique parentale ? Pourquoi ne serait-ce que les parents qui peuvent dire au moment de la naissance de leur enfant : « Nous t’accueillons, tu viens de nous… Par nous, tu accèdes à la vie » ?

Il est tout aussi légitime de penser qu’un enfant fait naître ses parents à la paternité et à la maternité, alors même qu’ils sont eux aussi accueillants de la vie qui vient à travers eux C’est effectivement dans cette rencontre dont parle Maguelonne qu’ils sont appelés à se positionner d’une façon toute nouvelle. L’enfant, à sa manière, devient pour lui, comme pour ses parents, acteur du changement. Ces enfants qui nous élèvent, tel est le titre d’un livre paru ces dernières années. Quand Maguelonne dit « C’est là que je vous ai rencontrés », elle ne fait qu’annoncer, par sa naissance, que le couple devient famille. “Père” et “mère”, tel est le nouveau nom que portent ceux qui, jusque-là, n’étaient que mari et femme.

La vie est toujours rencontre et nouveauté. À chaque instant, elle nous fait naître à un monde nouveau. Quand le papa de Maguelonne est heureux de rapporter les propos de sa fille, peut-être prend-il conscience que quelque chose de nouveau se passe entre elle et eux, ses parents. Ils ne sont pas seulement des dispensateurs d’amour à leur progéniture mais des hôtes, dans leur foyer, de leur propre fille comme une personne à part entière. Du chemin reste à faire pour qu’elle en soit de plus en plus consciente et qu’elle reconnaisse, à son tour, tout ce qu’elle a reçu d’eux. Sur la longue route de l’éducation, commence alors, pour les parents, le temps de la patience

La famille est une histoire de rencontres dont les pages s’écrivent au quotidien. L’échange doit s’y vivre dans la réciprocité. Pour cela, encore faut-il se souvenir de ce conseil de sagesse : « Si on veut s’approcher des enfants, il faut parfois devenir enfant soi-même. »

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Michel AMALRIC

Prêtre du diocèse d’Albi, chargé de la communication.

Publié: 01/02/2019