Pâques, joie intarissable ?

Seigneur, la liturgie de Pâques t’implore en ces termes : "Que les mystères de Pâques soient en nous, une source intarissable de joie."

J’avoue avoir du mal à entrer dans cette prière. L’histoire de la vie de Jésus m’est devenue presque banale, et je réagis avec tiédeur. Jésus est venu sur terre, dans une crèche, et ça c’est joli ; et puis cette fête s’accompagne de cadeaux, de bons repas, de grandes réunions de famille, avec des petits enfants émerveillés. Et là tout le monde peut être content, joyeux, encore que ce ne soit pas exempt de beaucoup d’ambiguïtés. Mais il y a, c’est certain, une forme de liesse ; à tel point que pour ceux qui ne bénéficient pas de ces festivités (les détenus, les isolés, les malades) ces jours sont plus difficiles à vivre que les autres parce que la frustration est plus grande et devient insupportable au sens fort du terme. Alors ceux qui le peuvent fuient dans l’alcool ou dans une autre drogue.

Mais Pâques, c’est beaucoup moins festif ! C’est même curieux que les commerçants n’aient pas eu l’idée de se servir de ce prétexte pour inventer une occasion de dépenses ; il y a bien les chocolats "amenés par les cloches" qu’on va chercher dans le jardin, mais la tradition se perd. Pourtant, ils auraient pu faire une fête des fleurs. A Pâques la Palestine devait être entièrement fleurie et toute verte. Le soleil n’avait pas encore tout brûlé : anémones, lauriers fleurs, narcisses, genêts, bougainvilliers étaient sortis de l’hiver et éclataient en pleine magnificence. Ce devait être une féerie de couleurs, de senteurs, une vraie renaissance de la nature.

Quoi de plus symbolique ?

Mais revenons à notre propos : Jésus est mort dans des circonstances épouvantables ; que ceux qui vivaient à son époque et qui le connaissaient aient été atterrés, bouleversés jusqu’aux entrailles, je le comprends. Mais nous qui savons que cette mort n’est pas définitive mais provisoire, nous avons du mal à être affligés à fond le vendredi Saint, et la joie de Pâques s’en ressent. Elle n’est pas éclatante. La mort et la résurrection sont liées, trop liées peut-être dans notre esprit, ce qui fait que la mort n’apparaît pas comme une vraie mort, et la Résurrection ne suscite pas une joie débordante. L’événement est curieux, insolite, incroyable presque.

Je sais : "Vaine est ma foi" a dit je ne sais trop qui (ça doit être St Paul), "Vaine est ma foi si le Christ n’est pas ressuscité". Mais cela reste intellectuel, et la source de joie, loin d’être intarissable, coule plutôt en un petit goutte à goutte timide, voire freluquet.

Cependant, pas question de ne plus y croire. Ce serait affreux, insupportable du coup. Mais j’en viens à cette conclusion :
Je suis loin, bien loin de toi, Seigneur. Cela m’afflige-t-il au point de vouloir changer, me retourner comme une crêpe dans la poêle, me convertir comme on dit en langage ecclésial ? Ne nous leurrons pas : je le souhaite, sûr, mais pas très fort, pas tout le temps.

Seigneur, j’aimerais le souhaiter vraiment.

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Françoise REYNÈS

Laïque mariste († 2011).

Publié: 29/03/2008