Homme et femme, Dieu les créa

Essai d’anthropologie biblique et chrétienne

Il faut une fameuse audace ou une touchante inconscience pour se donner comme objet de réflexion une question aussi vaste, aussi complexe et aussi passionnelle !

Vaste, le commentaire possible du verset de la Genèse retenu comme titre pour ces quelques pages l’est assurément. Que n’a-t-on pas écrit qui ne concernerait pas, d’une manière ou d’une autre, la grande affaire qui pousse l’une vers l’autre les deux moitiés de l’espèce humaine ? Peut-on encore dire quelque chose de neuf sur un constat aussi vieux que l’humanité elle-même, à savoir sa partition entre deux genres, l’un masculin, l’autre féminin ?

Complexe, le sujet l’est, à n’en pas douter. Une multitude d’approches sont possibles. Quel point de vue privilégierons-nous : celui de l’ethnologue ? du sociologue ? du biologiste ? du psychanalyste ? de l’historien du droit ? du militant de la parité entre les sexes ? de l’exégète ? du théologien ? du philosophe ?

Passionnelle, la discussion le devient vite, tant ce qui a trait à la sexualité renvoie à notre culture, à notre histoire personnelle et, d’une manière générale, à tout ce qui constitue notre personnalité la plus profonde à commencer par notre identité sexuée ! Il n’est que de constater combien les débats sont vifs aujourd’hui autour de questions comme l’homosexualité et l’éventuel mariage des homosexuels ou bien, dans les Eglises chrétiennes, sur l’acceptation ou le refus de l’ordination pour les femmes.

Mais précisément l’actualité de tous ces débats de société rend plus nécessaire que jamais une réflexion en amont, susceptible de dépassionner nos prises de paroles et, si possible, de clarifier les termes du débat.
N’adoptant que les seuls points de vue de l’exégète, du théologien et, pour une part, du philosophe, ces quelques pages se veulent donc très modestes et n’ont pour seule prétention que d’être un « essai » daté pour rendre compte de la différence sexuelle dans une perspective chrétienne... un essai dont le premier destinataire est son auteur lui-même.
Homme, célibataire et prêtre, trois épithètes qui, je l’espère, ne disent pas le tout de ma personnalité, mais trois réalités qui influencent sûrement mon propos en ce domaine. A l’éventuel lecteur d’en juger !

Ce dossier comportera trois chapitres :

I. Une unité du genre humain qui appelle une fondamentale égalité entre les sexes
II. L’irréductible différence sexuelle
III. Assumer la différence, penser l’altérité.

I. UNE UNITE DU GENRE HUMAIN QUI APPELLE UNE FONDAMENTALE EGALITE ENTRE LES SEXES

Voici une première affirmation que le philosophe est en droit de questionner : au nom de quoi l’unité entre deux parties d’un ensemble induirait-elle nécessairement leur égalité ? Ne faut-il pas distinguer et vérifier les deux affirmations sous-entendues par le titre donné à ce développement ?
L’image du corps humain offre, en effet, un bel exemple d’unité entre les divers organes et membres qui le constituent. Dira-t-on pour autant que la tête et l’une des deux mains, c’est égal ? Manifestement ça ne l’est ni en taille, ni surtout en importance pour la survie de l’individu en cas d’amputation !

Maintenons néanmoins cette première perspective. Nous verrons en effet que nous nous situons dans une tradition qui dit à la fois l’unité du genre humain et l’égale importance, pour le tout, de chacune de ses moitiés. L’unité ici affirmée est d’ailleurs si fondamentale que l’homme et la femme ne peuvent être l’un sans l’autre image de Dieu. Et c’est précisément leur unité comme image de Dieu qui fonde leur égale dignité et appelle l’égalité de leurs droits dans la vie familiale, sociale et ecclésiale.

Chacun l’aura noté, le concept d’égalité renvoie à une approche socio-politique de la dualité sexuelle. Façonnés par des décennies de revendications féministes et habitués à penser la relation homme/femme et père/mère en termes de rapports de force [1], nous sommes portés spontanément, au moins dans un premier temps, à vérifier la place faite aux hommes et aux femmes dans les Ecritures auxquelles nos Eglises se réfèrent. D’aucuns - et surtout d’aucunes ! - ont appris en effet à se méfier de certaines lectures idéologiques de la Bible, faisant de la femme au foyer la servante de son seigneur et maître de mari [2] !

Disons d’emblée que notre propos sur l’égalité entre les sexes tient à la fois du constat - car c’est bien ainsi, égaux en dignité, que l’homme et la femme apparaissent à la lumière de la Révélation - et de la revendication - car cette égalité, posée en droit, reste toujours à promouvoir dans les faits, dans la société, mais probablement aussi, aujourd’hui encore, dans l’Eglise [3] elle-même.

1. La Bible

Nous voici face à plusieurs difficultés.

La première est que la Bible constitue à elle seule une véritable bibliothèque. « Les textes bibliques, note fort justement Eric FUCHS, présentent une diversité de points de vue sur la sexualité et le mariage qui rend toute synthèse impossible : la Bible, par exemple, ne porte aucun jugement sur la polygamie des patriarches tout en défendant avec force l’exigence de la fidélité dans le cadre du mariage monogame [4] ». Nous voici prévenus !

Mais la difficulté se redouble, car, face à tant de documents divers, chacun sera évidemment tenté de privilégier ceux qui pourraient servir de caution à ses propres choix ou pratiques ecclésiales. Et notre théologien luthérien de préciser sa pensée : « Une fois distingués les genres littéraires des textes et leur fonction (juridique, poétique, prophétique, didactique) et les différentes sensibilités éthiques qui s’y expriment, on doit se demander à quels textes on reconnaît une autorité normative. Car nous n’interrogeons pas ici la Bible seulement en historien de la morale, voire en ethnologue, mais en théologien qui reconnaît à ce texte une autorité, l’écho de la Parole de Dieu, où Dieu révèle quelque chose de son être et de sa volonté. Parole de Dieu totalement livrée au langage humain de ceux qui ont voulu en garder la trace écrite. »

Situons donc tout de suite notre référence à la Bible. C’est comme disciples du Christ que nous relisons ici les vieilles Ecritures d’Israël et c’est en Lui que nous trouvons la clef de lecture de l’ensemble du corpus biblique. Nous ne prétendons donc pas ici faire une étude scientifique exhaustive de tous les passages du texte biblique qui, de près ou de loin, suggèrent l’unité du genre humain et l’égale dignité des hommes et des femmes. Mais nous voulons nous arrêter, au moins brièvement, sur les textes les plus souvent cités et commentés pour en dégager une certaine cohérence théologique et anthropologique.

A. Les récits de création dans la Genèse

Commençons par le second, qui, au moins jusqu’à une date toute récente, était considéré par les exégètes comme le plus ancien [5].

Le récit dit "yahviste" de la création (Gn 2/4b-25)
Notons tout d’abord que, dans ce récit, c’est une humanité (ha-adam en hébreu, c’est-à-dire « l’être humain » tiré de la terre) sans sexe qui précède l’apparition du masculin et du féminin, de l’homme (ish en hébreu) et de la femme (ishsha en hébreu). La différence sexuelle n’intervient que dans un second temps et s’en trouve donc relativisée par rapport à cette donnée première et sans doute plus importante aux yeux du rédacteur yahviste, à savoir que c’est l’être humain dans sa totalité, et pas seulement sa moitié masculine, qui bénéficie du souffle de Dieu qui le fait vivre (cf. Gn 2/7). On notera d’ailleurs que la différence sexuelle semble même disparaître à nouveau à la fin du récit au profit de l’unité du couple (Gn 2/24 : « ils deviennent une seule chair »).

Chacun connaît au moins dans ce récit l’image de la femme tirée du côté d’Adam (Gn 2/21-22). D’aucuns [6] ont voulu y voir une subordination, mais le contexte invite plutôt à y voir l’expression du manque qui habite la moitié masculine de l’humanité et lui fait reconnaître en la femme sa « moitié », ainsi que le dit encore le langage populaire. En jouant sur les termes ish et ishsha, le récit insiste en effet plus sur la similitude que sur la différence entre l’homme et la femme et ceci est encore renforcé par l’expression émerveillée de ish devant ishsha : « Voici cette fois l’os de mes os et la chair de ma chair ! » (Gn 2/23).

Dire, comme le fait le récit biblique, que la création de la femme se fait pendant le sommeil de l’homme est une manière de souligner qu’il n’y est pas pour grand chose.
Quant au « côté » d’Adam, on peut le comprendre « comme ce qui vient de l’homme, mais aussi d’un ‘mystère’, c’est-à-dire d’une réalité que nous n’en finissons pas de découvrir : ce que chacun ignore de lui-même car il ne peut le voir en face. La femme n’est donc ni le clone de l’homme ni sa chose. Car c’est Dieu qui crée. L’homme n’est pas à l’origine de la femme, ce n’est pas lui qui la modèle ; mais elle a bien ‘à voir’ avec lui. » [7]

Le récit sacerdotal [8] de la création (Gn 1/1 - 2/4a)
Nous reviendrons sur le fait que la différence sexuelle y est posée d’emblée et valorisée comme portant l’empreinte même du Créateur.

Ce qui nous intéresse ici pour l’instant, c’est que l’homme et la femme sont dits ensemble image de Dieu et qu’ils ne peuvent l’être l’un sans l’autre : « Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa ; mâle et femelle il les créa. » (Gn 1/27). L’égalité est ici affirmée de façon on ne peut plus claire !

B. Les femmes de la Bible et la thématique de l’Alliance

De nombreux auteurs se sont plu à épingler le portrait de la femme, à leurs yeux empreint de misogynie, brossé par les écrivains bibliques. On pense évidemment ici à certaines maximes du livre du Siracide [9] ou à celui des Proverbes. On pense aussi à la trahison de Rahab la prostituée, aux propos moqueurs de la femme de Job, aux pratiques païennes de la reine Jézabel, au charme fatal de Dalila ou d’Hérodiade.

On pense enfin à ces femmes qui ne semblent proposées en modèles, dans le Nouveau Testament lui-même, que sous la figure de la pécheresse pardonnée [10].

De fait, ce portrait reflète une culture masculine et n’est pas toujours flatteur.

Mais peut-être Xavier LEON-DUFOUR a-t-il raison de lier cette sévérité de l’homme à l’égard de la femme au besoin qu’il en a : « La sévérité de l’homme à l’égard de la femme est la rançon du besoin qu’il en a. Il décrit ainsi son rêve : ‘Trouver une femme, c’est trouver le bonheur‘ (Pr 18/22 ; cf. 5/15-18), c’est avoir ‘une aide semblable à soi’, un appui solide, une clôture pour son domaine, un nid contre l’appel à l’errance (Si 36/26-31) : c’est trouver, en plus de la force masculine qui le rend fier, la grâce personnifiée (Pr 11/16) ; que dire si cette femme est vaillante (Pr 12/4 ; 31/10-31) ! Il suffit d’évoquer la description de l’épouse dans le Cantique (Ct 4/1-5 ; 7/2-10). » [11]

Cette évocation du Cantique des cantiques, l’un des livres bibliques les plus commentés au long des siècles, donne tout son poids à cette fine observation de Anne-Marie PELLETIER : « le Livre met en scène d’innombrables figures d’hommes et de femmes qui, à travers les liens qui les unissent, complices ou ennemis, amants ou rivaux, sont les partenaires de la grande dramatique de la Bible. Certes, les structures patriarcales qui organisent cette société font que ce sont les hommes qui ont ici la plus grande visibilité : si l’on y est prophète parfois au féminin, on y est roi et prêtre seulement au masculin. Cependant la réalité de l’Alliance, pivot de la relation entre Dieu et Israël, inscrit au cœur de ce livre une thématique nuptiale qui constitue la note profonde et dominante de la révélation biblique. » [12].

C. L’Evangile et la Loi : l’enseignement de Jésus

Par ses paroles et son comportement, Jésus s’inscrit dans cette grande thématique nuptiale qui tend à faire de l’homme et de la femme deux partenaires, égaux autant que différents, d’une alliance amoureuse.

Le premier signe qu’il pose dans l’évangile de Jean a pour cadre un repas de noces à Cana. Tout au long de son ministère, il ne dédaigne pas de se désigner - ou de se laisser désigner - comme « l’ Epoux », prenant ainsi la place de Dieu lui-même dans la parabole traditionnelle du festin eschatologique [13].

Aux Pharisiens qui cherchent à lui tendre un piège en le questionnant sur la répudiation permise dans la Loi en faveur des hommes, Jésus répond en renvoyant ses contradicteurs au plan créateur de Dieu et aux récits de la Genèse qui le révèlent. Si l’homme et la femme, l’un et l’autre créés à l’image de Dieu, tiennent leur unité de Dieu lui-même, leurs engagements ne peuvent être que placés sous le signe de la réciprocité. Jésus introduit donc une parfaite symétrie dans les exigences de fidélité : l’adultère concerne désormais autant l’homme que la femme (Mc 10/11-12) !

D. Le corpus paulinien

Que n’a t-on pas dit et écrit sur la prétendue misogynie de St Paul !

Sans doute l’apôtre partage-t-il avec ses contemporains, des préjugés et conventions culturelles sur la décence [14], sur la répartition des rôles entre l’homme et la femme dans la famille [15] et dans la société [16] qui aujourd’hui apparaissent comme franchement irrecevables.

On peut même légitimement lui reprocher d’avoir interprété l’image de la femme tirée de la côte d’Adam comme le signe de ce qui devrait être sa sujétion à l’égard de l’homme (cf. 1 Co 11/7-10).

Pourtant, même avec une interprétation aussi grossièrement phallocratique, St Paul ne perd pas totalement de vue la fondamentale complémentarité de l’homme et de la femme ainsi que leur égalité « devant le Seigneur » : « Aussi bien dans le Seigneur ni la femme ne va sans l’homme, ni l’homme sans la femme ; car, de même que la femme a été tirée de l’homme, ainsi l’homme naît de la femme, et tout vient de Dieu » (1 Co 11/11).

Ceci l’amène à formuler pour les deux membres du couple une même égalité dans le mariage et l’usage de la sexualité (1 Co 7/3). Paul ne fait également aucune différence entre les sexes, quand il évoque la possibilité pour l’un de contribuer au salut de l’autre [17].

Tirant toutes les conséquences de la vocation commune de l’homme et de la femme au salut et de leur réception d’un même baptême [18], St Paul va jusqu’à écrire : « vous tous qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu Christ. Il n’y a plus ni Juif ni Grec ; il n’y a plus ni esclave, ni homme libre ; il n’y a plus l’homme et la femme ; car tous, vous n’êtes qu’un en Jésus-Christ » (Ga 3/27-28).

E. Dieu au féminin ?

Que Dieu soit principalement désigné au masculin dans la Bible, principalement en référence avec la fonction paternelle, n’empêche pas les écrivains sacrés d’employer la métaphore de l’amour conjugal [19], voire maternel [20], pour évoquer l’amour de Dieu. Depuis longtemps déjà les exégètes l’ont bien noté, sans en être particulièrement troublés.
Mais, emportés par leur militance féministe, certain(e)s se sont offusqués de cet état de choses. Certains ont même imaginé que l’Eglise catholique aurait délibérément gommé ou occulté, comme contraires à ses dogmes ou à ses intérêts, des textes importants mettant en avant la part féminine du religieux [21]...

C’est oublier que Dieu échappe à la différence sexuelle, qu’il y a donc en lui du père et de la mère, de l’époux et de l’épouse ! Chacune de ces formes d’amour n’est qu’un aspect de l’amour total et toutes peuvent donc être attribuées à Dieu.

2. L’Eglise et la promotion de la femme

Avec cette idée qu’hommes et femmes sont, en Dieu et devant lui, participants d’une même et unique humanité, c’est un ferment révolutionnaire que le christianisme primitif introduit dans les sociétés très masculines de l’Empire romain finissant, puis du monde barbare qui le supplante.

« Sans parler, ajoute Anne-Marie PELLETIER, de la promotion de la virginité consacrée, cette nouveauté chrétienne : celle-ci put bien glisser ici ou là vers un ascétisme suspect, méprisant le corps et calomniant le mariage, elle n’en a pas moins concouru à affranchir la féminité de la référence à la seule procréation, pour camper la figure d’une femme qui existe en face de l’homme, à part entière, et peut se réaliser indépendamment du mariage et de la maternité. » [22]

Dès l’origine, la femme dans l’Eglise apparaît l’associée de l’homme : témoin au même titre que lui du Christ ressuscité [23], recevant un même baptême, appelée à la même sainteté [24] et au même salut [25], on la voit comme lui agissante (diaconesse), priante (vierge ou veuve), souffrante (martyre).

Un survol de l’histoire de l’Eglise dans cette optique nous amènerait ensuite à évoquer quelques-unes de ces figures charismatiques, vierges ou reines, qui par leur autorité personnelle, en des siècles troublés, contribuèrent à christianiser un monde encore païen : Geneviève, Clotilde, Radegonde, Bathilde auprès de Clovis II...

Grand fut aussi dans les siècles suivants le rôle d’éducatrice reconnu aux femmes. À l’époque carolingienne, le premier traité d’éducation est d’ailleurs écrit par une femme, Dhuoda, pour ses fils. Au XIIIème siècle, ce sera Blanche de Castille qui préparera son fils, saint Louis, à sa mission de roi chrétien. Mais au-delà de l’éducation des puissants de ce monde, il convient de mentionner l’énorme influence, aux XVIIème et XVIIIème siècles, des Ursulines et des Filles de la Charité pour l’alphabétisation de la population féminine.

La vie religieuse elle-même vit l’émergence de fortes personnalités comme certaines abbesses, pouvant exercer une juridiction sur une communauté d’hommes [26].

Mais la promotion de la femme, si elle doit beaucoup à ces figures d’exception, se fit surtout par la législation ecclésiale concernant le mariage. Facilement repérables furent en effet les efforts déployés par l’Eglise au fil des siècles, dans son droit canonique, pour vérifier et protéger la liberté du consentement des époux et tout particulièrement de la femme. C’est ainsi, par exemple, que fut créé l’empêchement de « rapt » et que, au XVIème siècle, le Concile de Trente dispensa les époux de l’autorisation des parents.

Relire ainsi l’histoire de l’Eglise, en soulignant la place que les femmes y ont tenu et y tiennent encore [27], tout comme l’influence positive que l’Eglise put avoir dans la promotion du statut de la femme dans toute la société, c’est dire combien les chrétiens aujourd’hui sont les héritiers d’une longue et forte tradition affirmant l’égalité des sexes.

Tirent-ils toutes les conclusions qu’on serait en droit d’attendre d’une telle affirmation ? C’est une autre question... qui débouche immanquablement sur les débats contemporains autour de l’ordination (dans les Eglises protestantes) ou de la non ordination (dans l’Eglise catholique et dans les Eglises orthodoxes) des femmes. Du seul point de vue de la parité et dans la logique d’un certain féminisme, l’accès pour les femmes aux ministères ordonnés représente un enjeu symbolique très fort ; il apparaît en effet comme un droit à revendiquer face à l’un des derniers bastions tenus par les hommes ! Reste à savoir si l’ordination est un droit susceptible d’être revendiqué au titre d’une répartition plus équitable des tâches et, plus profondément encore, si l’égalité foncière en termes de dignité entre les hommes et les femmes signifient qu’ils soient interchangeables...

II. L’IRREDUCTIBLE DIFFERENCE SEXUELLE

Résumer l’apport de la Révélation judéo-chrétienne en matière d’anthropologie à la seule affirmation de l’unité du genre humain et de l’égalité entre les sexes qui en découle serait outrageusement réducteur et occulterait ce qui est probablement son apport le plus original dans la réflexion qui est la nôtre, à savoir cette autre affirmation selon laquelle la différence sexuelle est si essentielle au genre humain qu’elle l’ouvre au mystère de Dieu lui-même. Dans cette perspective, la différence ne signifie pas l’inégalité entre l’homme et la femme, mais la condition de leur relation.

1. La Bible

Je n’ai ici nul scrupule à reprendre certains textes déjà étudiés, puisqu’ils soulignent l’une et l’autre perpectives.

A. Les récits de création dans la Genèse

Remarquons d’emblée qu’à la différence des cosmogonies du Proche-Orient ancien, les deux récits bibliques s’intéressent à la différence sexuelle et cherchent, chacun à sa manière, à en rendre compte.

Le récit yahviste de la création (Gn 2/4b-25)
La dualité sexuelle y apparaît comme l’œuvre de Dieu lui-même, soucieux d’offrir à l’homme le moyen de sortir de sa solitude et, au couple humain, la différence qui permet la joie de la rencontre. En dotant l’espèce humaine des signes de la masculinité et de la féminité, Dieu lui permet du même coup d’accéder au langage (cf. le premier cri jubilatoire de l’homme découvrant sa compagne en Gn 1/23).

Mais peut-être faut-il aller plus loin et voir dans la distinction entre « ish » et « ishsha », non seulement la condition du bonheur de l‘humanité, mais également l’empreinte même du Créateur ? Certains commentateurs juifs n’ont pas manqué de remarquer en ce sens que les deux lettres qui distinguent « ish » et « ishsha » sont en hébreu un yod et un hé, les deux premières lettres du nom divin...

Le récit sacerdotal [28] de la création (Gn 1/1 - 2/4a)
Il offre un support infiniment plus solide à l’exégèse juive puis chrétienne qui voit dans la différence sexuelle la possibilité pour l’homme et la femme de réaliser une alliance et même une communion à l’image de celle qui existe en Dieu même.

Le récit commence par poser une distinction fondatrice entre « mâle » et « femelle » (Gn 1/27). Cette distinction n’est d’ailleurs explicitement posée que pour l’humanité et c’est notamment par cette différence sexuelle que l’humanité est déclarée « à l’image de Dieu » [29]. Autrement dit, l’énonciation de la différence sexuelle, qui est contemporaine, dans le récit, de l’acte créateur, nous établit dans une relation de ressemblance avec Dieu et non pas dans un prolongement et encore moins dans une dépendance du règne animal. Se manifeste ici la haute estime dans laquelle le récit biblique tient la différence sexuelle. Celle-ci n’est pas la concession obligée à l’exigence de procréation, qui nous rapprocherait honteusement des animaux, mais plutôt l’heureuse différence, bénie de Dieu, qui permet, appelle et signe dans l’union des corps la communion des personnes. L’homme et la femme sont image de Dieu, non pas malgré, mais avec cette différence sexuelle !

Dans le texte hébreu, note Luc CREPY, "les mots ’homme’ et ’femme’ apparaissent, non pas quand les humains sont créés appelés alors ’mâle’ et ’femelle’ (Gn 1) - mais seulement lorsqu’ils se rencontrent pour la première fois l’un l’autre (Gn 2). L’humain ne devient homme (ish) et femme (isha), n’advient à sa pleine humanité, que dans leur rencontre mutuelle. Cet achèvement d’une entrée plénière en humanité se traduit, dans le récit biblique, par l’association de la reconnaissance de la différence sexuelle à la première prise de parole de l’homme (dans la Bible). Dit autrement, l’accès à la parole (et non à la simple nomination des animaux comme en Gn 2,20) pour l’homme se fait quand il rencontre la femme." [30]

Tous les commentateurs ont bien noté que cette création de l’humanité sexuée était présentée dans ce récit comme le point d’orgue et le chef d’œuvre du Créateur, lequel éprouve une légitime fierté du travail accompli en le jugeant, non plus seulement « bon » - comme pour chacun des jours précédents -, mais « très bon » (Gn 1/31) !

Mais revenons à l’écriture de ce récit de création qui, on l’a dit, appartient à la tradition sacerdotale. La création du monde y est présentée comme une série de séparations ou différenciations successives visant à sortir du chaos initial [31]. « Au chaos primitif où règne l’indifférencié, note Eric FUCHS, succède désormais un ordre des choses marqué par la différence. Les divers groupes de vivants sont ainsi créés « selon leur espèce » (Gn 1/11, 12, 21, 24, 25). Et c’est finalement l’être humain, créé lui à l’image de Dieu, qui achève cette création en portant en sa chair même le signe de la différence, la sexualité, qui devient du même coup la possibilité d’une alliance avec cet autre lui-même qu’est l’homme pour la femme, et la femme pour l’homme. » [32]

B. Les interdits liés à la sexualité dans le livre du Lévitique

Dans le récit sacerdotal, l’image du « tohu-bohu » [33] ou chaos initial, dans lequel Dieu met de l’ordre par une série de séparations successives, convenait parfaitement à cette expérience, redoutée parce que ambiguë, de la sexualité. En effet, appelée à ouvrir l’homme et la femme au mystère de Dieu, elle peut aussi, si elle donne libre cours à toutes ses pulsions, répandre un désordre mortel dans le fonctionnement social. Aussi la sexualité fait-elle l’objet, dans la Bible comme dans toutes les traditions antiques, de nombreux interdits destinés à protéger les êtres humains de ce chaos meurtrier et à inscrire ce dynamisme dans un ordre qui en sauvegarde la signification positive.

On trouve de nombreux exemples de tels interdits au chapitre 18 du livre du Lévitique attribué, lui aussi, à la tradition sacerdotale.

Voici la liste qu’en dresse E. FUCHS : « l’inceste (v.7-18), les relations sexuelles avec une femme pendant ses règles (v.19), l’adultère (v.20), les sacrifices d’enfants (v.21), l’homosexualité (v.22), la bestialité (v.23). Toutes ces pratiques rendraient en effet le pays impur. Or tous ces cas relèvent de la même logique profonde : est interdit, parce que lourd d’une menace mortelle, tout ce qui sème la confusion, c’est-à-dire, en l’occurrence, ce qui abolit la différence sexuelle : ainsi l’homosexualité, qui est une « abomination » ; ce qui abolit la différence entre l’homme et l’animal : ainsi la bestialité ou les sacrifices d’enfants ; enfin ce qui abolit la différence entre l’intérieur et l’extérieur du clan : ainsi l’inceste. Dans tous ces cas, la loi de Dieu est violée, loi que le Lévitique résume en ces termes : « Soyez saints, car je suis saint, moi le Seigneur votre Dieu » (Lv 11/44 ; 19/2). Ce qui signifie donc qu’il faut respecter l’ordre des choses fixé par Dieu. Ainsi on lit en Lv 19/19 : « Gardez mes lois : n’accouple pas deux espèces différentes de ton bétail ; ne sème pas dans ton champ deux semences différentes ; ne porte pas de vêtement en étoffe hybride, tissée de deux fibres différentes. » La sainteté, c’est donc le refus des hybrides.

Tel est l’ordre du monde selon la tradition sacerdotale, cet ordre auquel la sexualité est référée, pour devenir le lieu de son attestation. » [34]

C. Quand Dieu se fait homme... et pas seulement être humain

Rappeler que le petit Jésus a un sexe et qu’il sera même circoncis (Lc 2/7,21,27,39) est peut-être un truisme, mais qui nous entraîne plus loin qu’il n’y paraît.

Ce mystère de l’Incarnation nous donne de contempler une initiative de Dieu sur laquelle nous n’avons nulle prise. Dieu aurait certes pu choisir de s’incarner dans une humanité féminine, mais il se trouve que c’est comme homme qu’il s’est donné à voir, à entendre et même à toucher en Jésus de Nazareth.

Il y a là une donnée qui s’impose à l’Eglise et qui, symboliquement, joue peut-être plus fortement encore, dans son refus d’ordonner des femmes, que le traditionnel argument selon lequel, Jésus n’ayant délibérément appelé que des hommes pour faire partie du groupe des Douze, il conviendrait de respecter ce choix en continuant à n’appeler que des hommes aux ministères ordonnés [35].

On vient de le voir, la différence sexuelle est si décisive pour le genre humain qu’elle affecte Dieu lui-même lorsqu’il choisit de s’y incarner ! Mais une autre surprise nous attend en relisant certaines paroles de Jésus sur la résurrection des morts à venir, au moins telles que le pape Jean-Paul II les comprend : la différence sexuelle serait si fondamentale qu’elle ne disparaîtrait pas dans le Royaume ! Voyons cela maintenant.

D. La résurrection de la chair

On sait que, face aux Sadducéens qui niaient, en cherchant à la ridiculiser, la possibilité de la résurrection, Jésus attribue à la puissance de Dieu la résurrection des morts à venir (Mt 22/31).

Une lecture superficielle de la réponse de Jésus pourrait donner à penser que la dualité sexuelle ne vaut que pour ce monde-ci, puisque « à la résurrection, en effet, on ne prend ni femme ni mari, mais on est comme des anges dans le ciel » (Mt 22/50 : Mc 12/25). De fait, Jean-Paul II note lui-même cette évidence que « le mariage et la procréation ne constituent pas le futur eschatologique de l’homme. Dans la résurrection ils perdent pour ainsi dire leur raison d’être » [36].

Mais le pape nous invite à ne pas négliger la précision qu’apporte l’évangéliste Luc dans les propos qu’il prête à Jésus : « ceux qui appartiennent à ce monde-ci prennent femme ou mari. Mais ceux qui ont été jugés dignes d’avoir part au monde à venir et à la résurrection des morts ne prennent ni femme ni mari. C’est qu’ils ne peuvent plus mourir, car ils sont pareils aux anges : ils sont fils de Dieu puisqu’ils sont fils de la résurrection. » (Lc 20/34-36)

Autrement dit, si, dans l’autre monde, l’homme et la femme ressemblent aux anges, ce n’est pas qu’ils sont asexués, mais qu’ils sont devenus immortels ! « Les paroles que le Christ a prononcées au sujet de la résurrection nous permettent de déduire que la dimension de masculinité et de féminité - c’est-à-dire l’être dans son corps masculin ou féminin - sera de nouveau constituée dans l’autre monde avec la résurrection des corps. (...) il ne s’agit pas ici de transformation de la nature de l’homme en nature angélique, c’est-à-dire purement spirituelle. Le contexte indique clairement que, dans l’autre monde, l’homme conservera sa propre nature humaine psychosomatique. S’il en allait autrement, parler de résurrection serait dénué de sens. [37] »

2. Quand l’Eglise tient en haute estime la différence sexuelle...

A. La théologie du mariage

On a souligné, dans la partie précédente, l’importance attachée par l’Eglise à la liberté du consentement des époux. C’est même ce consentement qu’elle imposa comme l’élément essentiel et constitutif du mariage.

Néanmoins le mariage des baptisés, s’il est bien conclu lors de l’échange des consentements, n’est, encore aujourd’hui, tenu pour indissoluble que lorsqu’il a été « consommé » par la donation des corps. C’est dire toute l’importance reconnue à la différence sexuelle qui, seule, rend possible cette union intime [38] ouverte par nature à la procréation.

B. A propos de l’homosexualité

Se voulant fidèle à l’attitude de Jésus qui n’excluait personne, l’Eglise entend que les personnes homosexuelles, d’une part soient traitées avec respect comme n’importe quel homme ou femme [39], et d’autre part ne soient pas enfermées dans leurs tendances, voire leurs comportements homosexuels. Elle plaide donc pour que l’adjectif « homosexuel » ne devienne pas un substantif !

Au nom d’un minimum de liberté qu’elle reconnaît à chacun dans la conduite de sa vie morale, l’Eglise continue d’ailleurs de distinguer entre les tendances homosexuelles - qui, sans relever du péché proprement dit, n’en sont pas moins des « troubles » [40] - et les comportements homosexuels qui, eux, engagent la responsabilité morale de leurs auteurs.

Il est sûr, en effet, qu’avec l’anthropologie qui est la sienne et qu’elle tire de la révélation biblique [41], l’Eglise ne peut pas voir dans l’homosexualité une simple alternative à l’amour qui pousse l’un vers l’autre un homme et une femme. On notera d’ailleurs que cette anthropologie a trouvé, depuis quelques décennies, des consonances avec nombre de développements de la psychanalyse lacanienne. Le moraliste Xavier THEVENOT et le psychanalyste Tony ANATRELLA ont abondamment souligné ces correspondances.

La différence sexuelle émergeant de la tradition biblique comme le paradigme de l’altérité, l’Eglise pressent, derrière l’actuelle confusion du langage [42], des enjeux de société [43] et des sexes eux-mêmes, un déni de la différence rendant plus difficile la structuration des individus et une authentique rencontre des personnes.

« La double difficulté spécifique de l’homosexualité - ne pouvoir expérimenter la fonction procréatrice de la sexualité et ne pouvoir vivre l’altérité comme différence sexuelle - la différencie essentiellement de l’hétérosexualité, même si celle-ci, sur le plan éthique, est aussi fragile et menacée par la violence, l’idolâtrie ou d’autres formes de perversité que celle-là. La différence n’est pas éthique mais bien ontologique : l’hétérosexualité demeure la condition de possibilité de la pleine réalisation de ce que hommes et femmes sont appelés à vivre. [44] »

Dans le contexte de chasse à l’homophobie qui est le nôtre, ce refus de donner à la relation entre deux personnes du même sexe le même statut qu’au mariage entre un homme et une femme est parfois présenté comme une scandaleuse discrimination. Là encore, il faut être clair sur le sens des mots : toute distinction n’est pas discrimination !
Ne pas traiter également ce qui est semblable serait en effet condamnable au nom du principe de non-discrimination entre citoyens égaux en droits. Mais tel n’est pas le cas ici, puisqu’il s’agit précisément de reconnaître, au nom du principe de réalité, que le duo homosexuel n’est pas semblable au couple formé par un homme et une femme ! Rappelons à ce sujet l’argumentaire de nos évêques :

« il n’y a pas d’équivalence entre la relation de deux personnes du même sexe et celle formée par un homme et une femme. Seule cette dernière peut être qualifiée de couple, car elle implique la différence sexuelle, la dimension conjugale, la capacité d’exercer la paternité et la maternité. L’homosexualité ne peut pas, à l’évidence, représenter cet ensemble symbolique. [45] »
C. La non-ordination des femmes

Sans vouloir cautionner ici la prétention du magistère de notre Eglise à vouloir clore le débat « de manière définitive » en réaffirmant comme seule légitime l’ordination exclusivement réservée aux hommes, il convient néanmoins de s’interroger sur l’enjeu symbolique de cette si longue tradition ecclésiale.

Si le prêtre agit « in persona Christi », il n’est peut-être pas insignifiant, symboliquement parlant, qu’il soit homme et non pas femme. Sa masculinité n’est-elle pas, en effet, l’un des signes forts qui nous empêchent de séparer le Christ que confesse notre foi et qui rassemble son Eglise du Jésus historique, tel qu’il est né de Marie ?

Qu’il me soit permis d’oser un rapprochement... Un autre de ces signes, hautement symboliques, nous est peut-être donné dans les règles de notre Eglise concernant les espèces eucharistiques : malgré la demande pressante des missionnaires, il n’a jamais été admis que l’eucharistie soit célébrée avec d’autres aliments que le pain et le vin, et ce, même dans les pays où ne poussent ni le blé ni la vigne. Il en va, en effet, de la vérité de l’eucharistie, laquelle n’est pas seulement symbole de partage, mais mémorial de l’initiative de Jésus au soir du Jeudi Saint, actualisation sacramentelle de son sacrifice unique sur la croix avant d’être, depuis le matin de Pâques, repas anticipateur du festin promis dans le Royaume à venir.

Dans les deux cas, l’enjeu est peut-être - malgré une pression forte en sens contraire - de maintenir bien visible l’enracinement historique de la foi chrétienne, son lien à l’homme Jésus et à ses initiatives.

Ne préjugeons pas de ce que l’Esprit Saint pourra inspirer à notre Eglise dans les décennies à venir quant à l’ordination des ministres qui lui font aujourd’hui défaut. Notons simplement ici ce qui nous semble être l’une des raisons de la grande réticence de notre Eglise à franchir un pas que d’autres Eglises ont cru pouvoir franchir.

III. ASSUMER LA DIFFERENCE, ACCUEILLIR L’ALTERITE [46]

1. Assumer la différence

Assumer la différence, c’est d’abord la penser, ensuite bien la situer et enfin « faire avec »...

A. Penser la différence

Curieusement, cela ne nous est pas spontané. D’une part, en effet, notre tradition philosophique ne nous y a guère préparés ; d’autre part, le contexte de revendication d’une parité entre hommes et femmes associe tout discours sur la différence à une odieuse discrimination.

Les métaphysiques furent pendant de longs siècles peu portées à penser la différence. Ce qui intéressait les Grecs, ce n’était pas la différence, mais bien plutôt l’unité à retrouver en sortant du multiple. La problématique était celle de l’essence humaine. Ceci explique sans doute qu’on ait du mal à trouver, dans l’histoire de la philosophie, de grands développements sur la différence sexuelle en tant que telle, même chez Merleau-Ponty et Sartre qui ont pourtant beaucoup parlé de la chair et du corps.

Peut-être peut-on aussi considérer ce silence de la réflexion philosophique comme un phallocratisme déguisé, une manière de prolonger ce que le sociologue Bourdieu appelait la « domination masculine » ? Ne pas parler de la différence des sexes serait en effet une manière de tout penser au masculin, comme en témoigne la langue française, qui veut que le masculin l’emporte toujours et qui emploie le même mot - homme - pour désigner l’être humain et l’individu mâle, comme si le premier se limitait au second ! Contentons-nous de noter ici que cette particularité de la langue française ne facilite pas la pensée de la différence sexuelle !

En fait, c’est aux psychanalystes - et plus particulièrement aux psychanalystes lacaniens - plus qu’aux philosophes, qu’on doit un intérêt pour la différence sexuelle. Encore cet intérêt est-il fort récent dans l’histoire de la pensée !

A cette première difficulté s’en ajoute une autre. C’est que penser la différence, et notamment la différence des sexes, c’est aujourd’hui sortir du « politiquement ou socialement correct » et être aussitôt soupçonné de vouloir renvoyer les femmes à leur cuisine et, de manière plus globale, de vouloir restaurer un ordre moral ancien.

B. Le statut de la différence sexuelle

Bien des questions se posent à qui cherche à rendre compte de cette différence. Car il ne s’agit pas seulement de la penser, mais de la situer correctement en ne la diluant pas parmi quantité d’autres différences culturelles, et en ne l’hypertrophiant pas davantage pour en faire la seule différence qui vaille. Passons en revue quelques-unes de ces difficiles questions en jeu dans cette énigme de la différence des sexes...

La première rappelle l’un des traditionnels sujets de philosophie au baccalauréat : cette différence relève-t-elle de la nature ou plutôt de la culture ? Autrement dit, est-elle universelle ou simplement relative, propre à un certain nombre de cultures [47] ?

Cette question en amène une autre, assez voisine : est-elle d’ordre biologique ou seulement symbolique ? Les différences que nous attribuons à l’homme et à la femme tiennent-elles au corps lui-même ou au regard que nous portons sur le corps ?

Et qu’en est-il de l’identité masculine ou féminine : celle-ci est-elle fixée d’emblée comme une donnée définitive à respecter ou bien s’invente-t-elle au jour le jour ?

Sans aller jusqu’à la position extrême de Sartre qui dénie à l’homme tout ancrage biologique, ne faut-il pas néanmoins lui concéder qu’un jeu existe entre la part masculine et féminine de chacun par rapport à sa constitution biologique ?

Les revendications féministes ouvrent encore un autre débat : y a-t-il une nature féminine et une nature masculine comme telles ou bien n’y a-t-il que des individus que nous rapprochons par notre esprit du seul fait qu’ils ont le même sexe biologique ? Dans la première hypothèse, on peut légitimement réfléchir à ce qui convient respectivement à la femme et à l’homme ; dans l’autre, non, sauf à introduire une injuste discrimination [48].

Au-delà du seul constat biologique, la différence des sexes a t-elle une portée morale, métaphysique, spirituelle ?

Après avoir été tenté de nier la différence sexuelle, puis de la diluer dans des considérations sur la part masculine et sur la part féminine qu’il y a en chacun de nous [49], faut-il maintenant la survaloriser en en faisant la différence première éclipsant toutes les autres ? Ne serait-ce pas faire du sexuel la catégorie fondamentale de la pensée ? Le fait d’appartenir à l’humanité n’est-il pas tout de même plus important que le fait d’être un homme ou une femme ? Au-delà du sexuel ne peut-on pas penser le relationnel ?

C. « Faire avec » la différence des sexes

Une fois admise et correctement située, la différence des sexes reste encore dérangeante. Comme toute limite, celle née de mon appartenance au genre masculin ou au genre féminin ne saurait être perçue, dans notre culture, que comme contraignante. Xavier LACROIX note avec justesse que « pour une philosophie de la liberté, la différence serait plus dépendance que valeur, plus accidentelle qu’essentielle, plus détermination que modalité de la liberté [50]. »

Il s’agit donc d’assumer cette différence, sinon comme un handicap qui nous marque à vie, du moins comme une limite qui interdit à chacun de se croire le tout de l’humanité et brise ses rêves d’autosuffisance.

2. La dialectique du même et de l’autre

En bonne philosophe, Geneviève FRAISSE note que les notions de différence des sexes et d’égalité n’ont pas lieu d’être opposées, car l’égalité est un terme politique et la différence un terme ontologique. A la différence, nous dit-elle, il faut opposer l’identité au sens de similitude. Et dans ce cas, on voit bien que les hommes et les femmes sont à la fois semblables et différents, semblables comme êtres doués de raison et citoyens, et différents au moins par leur corps et leur fonction de reproduction. Il faut être capable de penser en même temps la similitude des individus et leur différence, qui ne saurait empêcher leur égalité au plan des droits et des libertés, lesquels se situent au plan politique et viennent en plus. Les droits propres et les droits universels ne sont pas en contradiction.

A son invitation et à celle de Dominique VIBRAC reprenant la catégorie fondamentale du philosophe Emmanuel LEVINAS, il convient sans doute de nous ouvrir à la pensée de l’ altérité , propre à lier ensemble l’identique et le différent. Ce faisant, on soulignera que l’homme n’est jamais réductible à une identité, même sexuelle.

Dans cette perspective, il ne s’agit plus de « faire avec » la différence comme avec une désolante limitation, mais d’y voir le lieu d’un salutaire écart qui permet la rencontre de celui qui est à la fois mon semblable et à tout jamais différent de moi. Bienheureuse différence qui empêche la fusion et, pour finir, la domination de l’un sur l’autre ! Ainsi perçue positivement, la différence renvoie à l’altérité, ce jeu qui permet à l’un de s’écarter de l’autre pour mieux le recevoir.

Là où le philosophe Dominique VIBRAC parle de l’accueil ou de « l’hospitalité » comme catégorie fondamentale, le théologien Xavier LACROIX parle « d’alliance des sexes » :

Il ne s’agit pas de nier ou de croire dépasser la différence mais d’incarner différemment un universel. Le paradoxe est que cette incarnation, loin d’effacer la différence, la promeut au contraire, en l’affranchissant des particularités accidentelles qui l’occultent autant qu’elles ne la révèlent. L’accueil du féminin pourra sauver l’homme de l’aliénation des valeurs abusivement dites « viriles », et réciproquement. (...) Compris spirituellement, masculin et féminin ne sont pas des particularités mais des modalités de l’universel. Si par « vie spirituelle » nous entendons l’entrée dans le dynamisme du don, nous pouvons être attentifs aux différentes manières à travers lesquelles l’homme et la femme en tant que tels vivent ce don : dans l’échange amoureux, dans l’expérience de la paternité et de la maternité mais aussi dans tout le reste de leur existence.
Finalement, c’est dans l’alliance des sexes plus que dans leur spécification que se dit le mieux la dimension spirituelle de la différence. La notion d’alliance me paraît beaucoup mieux convenir que celle de complémentarité car elle ne renvoie pas, comme cette dernière, à un tout, mais à l’échange entre deux irréductibles [51].

L’un et l’autre, le philosophe et le théologien, voient dans la différence sexuelle, non seulement une énigme mais un mystère, c’est-à-dire le lieu d’une révélation. Portant la marque de la transcendance, elle est le signe de l’altérité.

Altérité de l’autre d’abord, de ce « tu » rencontré à partir de son noyau de nuit et qui échappera toujours à mon savoir. Dans une perspective religieuse, cette altérité devient elle-même révélatrice d’une altérité plus radicale encore, celle du Tiers absolu, Ille, s’indiquant par sa trace dans toute relation digne de ce nom [52].

Reconnaître l’autre comme autre n’est jamais acquis une fois pour toutes. Un tel dynamisme, chez les chrétiens, fait nécessairement penser à Dieu, l’Autre qui nous échappe au moment même où il se donne à reconnaître. En lui seul s’accomplit la plénitude de la différence et de l’identité ainsi que le jeu entre l’accueil et le don (mystère de la Trinité).

Philippe LOUVEAU
juillet 2009

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[1A une telle perspective ne sont sans doute étrangères ni la croissante sensibilisation de notre société aux violences conjugales, ni la banalisation du divorce avec tous les conflits liés à la garde et à l’éducation des enfants qui en découlent.

[2Contentons-nous de citer ici deux exemples, l’un dans la tradition réformée, l’autre dans la tradition catholique.
Commençons par les propos quelque peu misogynes de Jean CALVIN sur « le caquet des femmes » : « Il n’y a rien qui convienne mieux aux femmes que la garde de la maison. Et pour cette cause les anciens figuraient la sage et honnête mère de famille par une tortue ou limace ; mais il y en a plus que trop qui sont malades du vice contraire. Car il n’y a rien où elles prennent plus de plaisir qu’à trotter ci et là ; et principalement, quand étant déchargées de famille, elles n’ont que faire en la maison. » (cité par André BIELER, p.77).
Mais les Catholiques auraient tort de se gausser trop bruyamment, car il ne faut, hélas, pas remonter loin dans le temps pour entendre un pape dire, dans une allocution à de jeunes époux : « Epouses et mères chrétiennes, ne vous laissez jamais tenter par le désir d’usurper le sceptre familial ! Votre sceptre, sceptre d’amour, doit être celui que met en vos mains l’apôtre des nations : vous serez sauvées en devenant mères pourvu que vous persévériez dans la foi, dans la charité et dans la sainteté unies à la modestie (1 Tm 2/15) » (Pie XII, le 10 septembre 1941).

[3Par convention de langage - et aussi parce que c’est l’Eglise qui est la mienne et que je connais donc le mieux ! - ce singulier désignera habituellement, au long de ces pages, l’Eglise catholique romaine. Cela ne dénie pas à d’autres communautés chrétiennes le nom d’Eglises.

[4Eric FUCHS Le désir et la tendresse, p. 53

[5Dans la théorie documentaire, de plus en plus contestée aujourd’hui, ce récit - dit « yahviste » car le tétragramme divin y apparaît dès le début - serait daté de la monarchie judéenne (Xème siècle avant notre ère).

[6A commencer par l’individu mâle lui-même (ish) qui, à peine émergé comme individu sexué, oublie qu’il n’est rien sans sa femme et que lui-même a été tiré comme sa femme (ishsha) d’une commune humanité (ha-adam) !

[7Véronique MARGRON, ouvrage cité en bibliographie, p.58

[8Ce récit de création qui ouvre la Bible est dit « sacerdotal » dans la mesure où il aurait été écrit par des prêtres au temps de l’exil à Babylone, à une date nettement plus tardive en fait que l’autre récit de création qui lui fait suite actuellement dans la Bible.

[9« J’aimerais mieux habiter avec un lion ou un dragon que d’habiter avec une femme mauvaise » (Si 25/16 ) ; « toute malice est peu de chose près de la malice d’une femme ! (...) Une montée de sable sous les pieds d’un vieil homme, telle est la femme bavarde pour un homme tranquille. » (Si 25/19-20) ; « Ne laisse pas l’eau s’échapper, ne laisse pas non plus à une femme méchante la liberté de parole. Si elle ne marche pas au doigt et à l’œil, sépare-toi d’elle et renvoie-la. » (Si 25/25-26).

[10Cf. la femme adultère que Jésus refuse de condamner (Jn 8/1-11), la Samaritaine aux six maris (Jn 4/1-42), ou encore Marie-Madeleine, dont étaient sortis pas moins de sept démons (Lc 8/2) !

[11Article cité en bibliographie, p.441

[12article cité en bibliographie, pp.431-432

[13Cf. Pr 9/11 ; Is 25/6 et, dans le Nouveau Testament, Mt 9/14-15 ; Lc 22/30 ; Mt 22/11-14 ; 26/29

[14Sur ce qui convient aux hommes et aux femmes en matière de chevelure et de voile, cf. 1 Co 11/13-16

[15Tirée de son contexte, l’exhortation faite aux femmes à être soumises à leurs maris, comme au Seigneur (Ep 5/22) pourrait en effet faire taxer Paul de misogynie. Mais l’honnêteté oblige à lire l’ensemble du passage et notamment ce qui précède immédiatement le verset incriminé et qui sert d’introduction générale aux conseils que Paul distribue à tous les membres de la maisonnée (et pas seulement à la femme) : « Vous qui craignez le Christ, soumettez-vous les uns aux autres... » (Ep 5/21). Cet appel à la réciprocité posé comme un préambule, puis l’invitation faite aux hommes - différente certes de celle faite aux femmes, mais non moins exigeante ! (cf. Ep 5/25) - suffisent, me semble-t-il, à faire tomber le reproche à l’égard de Paul.

[16Tout le monde a ici en tête le fameux verset : « Que les femmes se taisent dans les assemblées ! » de 1 Co 14/34-36

[17« Et que sais-tu, femme, si tu sauveras ton mari ? Et que sais-tu, mari, si tu sauveras ta femme ? » (1 Co 7/16)

[18La circoncision était, de par sa nature même, réservée aux hommes. Le baptême est donné à la femme comme à l’homme. Mesure-t-on assez cette nouveauté chrétienne quant au rite d’entrée dans le peuple des sauvés ?

[19L’un des textes les plus célèbres en ce sens est celui d’Osée 2/16-22, mais on a lu aussi dans cette perspective le dialogue amoureux du Cantique des Cantiques.

[20On pense par exemple à Is 49/15 : « Une femme oublie-t-elle son nourrisson, oublie-t-elle de montrer sa tendresse à l’enfant de sa chair ? Même si celles-là oubliaient, moi, je ne t’oublierai pas ! » Cf. aussi Ex 4/22

[21Chacun aura pu reconnaître là l’un des ressorts de l’incontestable succès de librairie que représente, en 2004, le polar ésotérico-religieux « Da Vinci Code » de l’Américain Dan Brown. Captivant roman policier, mais, pour le reste, catalogue d’inepties sur un arrière-plan soi-disant historique !

[22Article cité, p.436

[23Ce sont même des femmes qui reçurent les premières, au matin de Pâques, la mission d’annoncer la résurrection de Jésus ! cf. Jn 20/1,11-18 ; Lc 24/22-24

[24L’Eglise compte autant sinon plus de saintes que de saints dans son calendrier liturgique !

[25Faut-il rappeler ici que la 1ère des croyantes et des sauvées est une femme, Marie ?

[26En France, par exemple, l’abbesse de Fontevrault dans l’ordre institué par Robert d’Arbrissel

[27En ce début d’année 2005, et dans l’Eglise de France au moins, les femmes ne sont pas seulement bonnes à assurer la cuisine de Monsieur le Curé, le nettoyage de son linge, le ménage de la sacristie et la décoration florale de l’autel, comme d’aucuns ou d’aucunes voudraient le faire croire. Depuis longtemps elles ont une place prépondérante dans la catéchèse et pas seulement à la base. Nombreuses sont celles à qui l’on confie la responsabilité d’un service diocésain, voire même l’animation d’une paroisse (plusieurs « chargées de mission ecclésiale », nommées par l’évêque, sont dans cette situation dans le diocèse de Créteil) lorsque le curé ne réside pas sur place. On en voit enseigner dans les séminaires et les facultés de théologie. C’est une femme qui est recteur de l’Institut Catholique d’Angers, une autre qui est porte-parole de la Conférence des Evêques de France.

[28Ce récit de création qui ouvre la Bible est dit « sacerdotal » dans la mesure où il aurait été écrit par des prêtres au temps de l’exil à Babylone, à une date nettement plus tardive en fait que l’autre récit de création qui lui fait suite actuellement dans la Bible.

[29Le verset 26 indique que l’humanité est aussi créée à l’image de Dieu dans sa capacité de dominer le reste de la création.

[30Luc CREPY, "Dieu pour penser l’homme et la femme. Eléments d’anthropologie chrétienne" in "Esprit & Vie" n°199 (septembre 2008)

[31La perspective n’a donc rien de commun avec le mythe de l’androgyne auquel, sensiblement à la même époque, Platon a recours, dans son dialogue « Le Banquet », pour rendre compte de l’attrait entre les sexes.

[32Ouvrage cité en bibliographie, p.59

[33En employant cette expression passée dans le langage courant pour désigner un grand désordre, qui a conscience qu’il fait là un emprunt direct au texte biblique ? Le « tohu-bohu » est en effet le qualificatif hébreu de Gn 1/2 pour désigner la terre « informe et vide » avant l’intervention créatrice de Dieu.

[34Ouvrage cité en bibliographie, pp.58-59

[35A lui tout seul, cet argument n’est pas pleinement dirimant. Du seul fait que Jésus n’a appelé que des Juifs parmi ses apôtres, l’Eglise n’a en effet pas tiré la conclusion qu’il lui faudrait, à tout jamais, n’appeler que des Juifs au ministère presbytéral !

[36 Homme et femme il les créa. Une spiritualité du corps, p.366

[37Jean-Paul II- Audience du 2 décembre 1981, §4, reproduit dans Homme et femme, Il les créa, pp.367-368

[38Le Code de Droit canonique continue de ranger l’impuissance parmi les empêchements au mariage. La stérilité quant à elle - qu’elle soit masculine ou féminine - n’entache en rien la validité du mariage.

[39Etait-ce leur rendre un réel service que de les sortir de la commune humanité, digne comme telle de respect, en inventant pour elles seules un nouveau délit, dit d’« homophobie », ainsi qu’on l’a fait en France ? Il est vraiment permis d’en douter.

[40Parmi beaucoup d’autres déclarations épiscopales en ce sens, mentionnons l’une des dernières en date, celle de la Conférence Episcopale Espagnole rendue publique le 26 décembre 2004.

[41Cf. non seulement les interdits du Lévitique déjà mentionnés, mais également les sévères condamnations par Paul de l’homosexualité (Rm 1/26 ; 1 Co 6/9 ; 1 Tm 1/9). Fondamentalement, on l’a vu, la Bible invite à penser la différence - et tout particulièrement la différence sexuelle - comme la condition d’une alliance.

[42Si le vocable de « couple » suppose étymologiquement un élément mâle et un élément femelle, n’est-ce pas un abus de langage que de parler de « couple homosexuel » ? Sans aller jusqu’à parler de « paire », ne vaudrait-il pas mieux, ainsi que le suggère Tony ANATRELLA, parler de « duo » pour cette forme de vie commune ?

[43Régler de façon plus équitable le sort du compagnon survivant devait-il passer par la mise en œuvre législative du P.A.C.S, voire peut-être bientôt, d’un « mariage homosexuel », conférant au duo homosexuel et au couple hétérosexuel une égale reconnaissance symbolique ? Rien n’est moins sûr !

[44Eric FUCHS, ouvrage déjà cité, p.247

[45Note du Conseil permanent de la Conférence des évêques de France, en date du 16 septembre 1998

[46Cette troisième partie doit beaucoup à la conférence donnée par le P. Dominique VIBRAC au Perreux, en décembre 2004. Qu’il en soit ici vivement remercié !

[47Un anthropologue aussi connu que Maurice GODELIER ne va t-il pas jusqu’à contester l’universalité de l’interdit de l’inceste, interdit considéré jusqu’à présent par les sociologues comme l’un des interdits majeurs et fondateurs de toute société ?

[48On voit ici, curieusement, resurgir le débat de la philosophie médiévale entre essentialistes et nominalistes.

[49Cette tentation « androgyne » est bien illustrée par le titre d’un livre d’Elisabeth BADINTER paru en 1982 : « L’un est l’autre »

[50« La différence sexuelle a-t-elle une portée spirituelle ? » article cité en bibliographie, p. 139

[51 Homme et femme, l’insaisissable différence, p. 146

[52Idem, p. 147 faisant référence à Emmanuel LEVINAS « La trace » dans Humanisme de l’autre homme, 1972, rééd. Le Livre de Poche, coll. « Biblio-Essais », pp.62-70

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Philippe LOUVEAU

Prêtre du diocèse de Créteil, ancien équipier de PSN.
Curé doyen de la paroisse Saint-Georges à Villeneuve-Saint-Georges.

Publié: 01/07/2009
Les escales d'Olivier