3e dimanche de Pâques

1. Par trois fois Jésus pose la même question : « Pierre m’aimes-tu ? » Ce sont là les dernières paroles de Jésus que nous rapporte Jean à la fin de son évangile. Par trois fois Pierre y répond : « Seigneur, tu sais bien que je t’aime. » On sent bien que le triple reniement est en toile de fond. S’il est un mot qui habite chaque page du NT, qui s’y trouve conjugué à tous les temps, c’est bien celui-là : aimer. Aucune autre croyance en Dieu, aucun autre règlement du vivre ensemble, aucune philosophie ne l’a utilisé avec une telle force. Autant dans la bouche de Jésus que dans celles des apôtres. Le Père vous aime, il n’est qu’amour, moi aussi je vous aime, aimez-vous les autres, aimez vos ennemis : nous l’avons entendu des centaines de fois. C’est le maître-mot. Si l’on devait résumer tout l’évangile en un mot, ce serait celui-là.

2. Ce mot tout de même nous interroge. Aimer, nous l’entendons comme une relation affective, sentimentale, qui étreint le cœur, à fleur de peau, pourrait-on dire. Qui implique de se voir des yeux, de se parler, de se toucher des mains. Il dit le sentiment le plus émotionnel de tous ceux qui font chanter ceux qui s’aiment, qui font pleurer ceux qui le perdent, ce sentiment qui donne des couleurs à notre quotidien, source de nos peines et de nos joies. Est-ce de cette manière-là qu’il faut aimer Dieu ? Comment aimer Dieu qu’on ne voit pas, qui ne nous parle pas ?

3. Philippe, très réaliste, a posé la question à Jésus : « Seigneur, montre-nous le Père et cela nous suffit. » Il eut pour réponse : « Celui qui m’a vu a vu le Père. » Pour qu’il ne se méprenne pas, pour qu’il ne prenne pas Jésus pour Dieu, il ajoute : « C’est le Père qui, demeurant en moi, accomplit ses propres œuvres. » Il ne lui est pas proposé de voir de ses yeux le visage de Dieu, parce que Dieu n’a pas de visage, mais de le voir dans les actes que lui, Jésus, accomplit pour faire la volonté de son Père. Jésus rend visible dans ses actes ce Père invisible à nos yeux de chair. Il l’avait dit pareillement à ceux qui refusaient de croire en lui : « Croyez-moi, je suis dans le Père, et le Père est en moi ; et si vous ne croyez pas ma parole, croyez du moins à cause de ces œuvres. » ().

4. Ignace de Loyola, fondateur de la communauté jésuite, se donna comme règle de « voir Dieu en toutes choses ». Saint Paul écrivait déjà aux chrétiens de Corinthe : « Tout ce que vous faites : manger, boire, ou toute autre action, faites-le pour la gloire de Dieu. » Christelle Javary, de la Communauté de Vie Chrétienne dans la mouvance d’Ignace, écrit : « Il n’y a pas dans notre vie, d’un côté des activités qui seraient par nature spirituelles et tournées vers Dieu (prier, aller à la messe), et de l’autre, des activités « profanes », sans rapport avec Dieu, mais nécessaires à la vie ordinaire (travailler, s’occuper de sa famille, faire la cuisine ou le ménage …). Dieu nous a créés entiers, il ne nous découpe pas en rondelles ! »

5. De voir les choses ainsi nous permettra de ne pas enfermer notre foi en Dieu dans notre espace sentimental. En acceptant de passer par les hauts et les creux des vagues de nos sensations qui ne dépendent pas du bon vouloir divin mais de la complexité de la vie. Saint Vincent de Paul avait une belle image de son temps pour le signifier : qu’importe que la navigation se fasse à voile ou à rames, l’important est d’avancer. Se tenir sous le regard de Dieu comme nous nous tenons sous le soleil même lorsqu’il est caché. Comme un enfant se tient sous le regard de ses parents, même en leur absence. Dieu n’est certes pas visible, mais il est présent et, en nous le rappelant, nous saurons ce qu’il faut dire, ce qu’il faut vouloir, ce qu’il faut faire à chacun des moments de notre existence. Michel-Ange a représenté Dieu dans la voûte de la chapelle Sixtine à l’image de l’homme qu’il touche de son doigt créateur. Mais en même temps l’homme le rendait visible en sa création en lui tendant la main. Lors de la visite du pape Jean-Paul II à Lyon, en 1986, on avait remis aux participants un foulard avec ces mots : « Tu peux faire de ta vie un “Je t’aime”. »

Une faute d'orthographe, une erreur, un problème ?   
 
Aloyse SCHAFF

Capitaine de Port Saint Nicolas.
Prêtre du diocèse de Metz. Fut professeur de sciences physiques et directeur du lycée Saint-Augustin à Bitche (57).
Activités pastorales dans les communautés de paroisses du Bitcherland.
Animation d’ateliers d’information et de réflexion sur les textes bibliques et l’histoire chrétienne : Pères de l’Eglise, fondateurs des grands ordres religieux, les grands papes, les grands saints du Moyen-Âge, du XVIe siècle. Des présentations à découvrir sur le site.

Publié: 01/05/2022