2e dim. de Carême

1. Un changement inaccoutumé du visage, éclatant, transfiguré, voilà ce que Pierre, Jacques et Jean disent avoir vu. Il nous est arrivé certainement de voir des visages s’illuminer, se transfigurer, comme celui d’une mère apprenant la guérison de son enfant, celui d’un étudiant apprenant sa réussite à un examen, ou encore le nôtre lorsque nous retrouvons après une longue absence une personne aimée. A Lourdes, ceux qui observèrent la petite Bernadette à genoux devant la grotte, racontent : « Lorsque la vision se montre, Bernadette entre en extase, les yeux fixes et un peu voilés, le visage rose ou blanc mais d’une grâce qui charme tous les spectateurs. » Transfigurée par ce qu’elle voyait. Elle fut surprise d’être la seule à voir ce qu’elle voyait, à entendre ce qu’elle entendait. Elle dira plus tard : « Il semble que le son ne passe pas par les oreilles mais par ici » en portant la main à son cœur.

2. « Pendant qu’il priait » écrit Luc. La remarque est d’importance. Aux dires des évangélistes, Jésus avait l’habitude, pour prier, de se retirer seul, dans un endroit désert, souvent de grand matin. Ce jour-là, Pierre, Jacques et Jean assistent à sa prière intime, pour la première fois peut-être. Un autre Jésus que celui qu’ils suivaient se laissait voir dans l’intimité de sa prière et ils en furent illuminés, transfigurés eux-mêmes, à leur tour. Comme Bernadette le sera par ce qu’elle verra. Comme Bernadette entendra ce que personne n’a entendu, les trois disciples entendront Jésus, le nouveau Moïse, le prophète Elie revenu, parler « de son départ qui allait s’accomplir à Jérusalem » comme l’ajoute Luc. Plutôt que l’aspect merveilleux de l’événement, il faut retenir l’illumination croyante des apôtres qu’ils prirent, après la résurrection, comme son anticipation.

3. De ce départ, les disciples comprirent plus tard qu’il englobait les événements qui allaient suivre : la passion, la résurrection, l’ascension. Le jardins des Oliviers en sera le commencement. Seuls, Pierre, Jacques et Jean, y seront convoqués, mais cette fois, écrasés de sommeil, ils ne verront pas le visage défiguré de Jésus qui là aussi était en prière. Deux moments de prière de Jésus qu’il faut associer. D’abord dans une extase qui élève au-dessus des apparences humaines, puis dans le prosternement de la condition souffrante de la condition humaine. Chaque religion a mis la prière au premier rang. La prière est présente dans toutes les religions, surtout pour demander protection personnelle ou victoire pour un conflit. Le vrai Dieu était, à n’en pas douter, celui du camp victorieux. Mais aucune religion, sinon celle des Juifs, n’a mis autant au premier plan la relation privilégiée que Dieu avait avec l’homme. Les psaumes disent combien la louange tint pour eux une grande place. Les évangiles franchissent un autre pas. A ses disciples qui lui demandaient de prier comme il priait, il prie le Notre Père. Dieu n’est plus seulement le créateur tout-puissant mais le père très aimant. Dès lors la prière devient relation prégnante. Ce fut celle de la philosophe Simone Weil morte de la tuberculose à 35 ans, en 1943 : « Le Christ est descendu et m’a prise. Dans cette emprise sur moi, ni les sens, ni l’imagination n’ont eu aucune part. J’ai simplement senti à travers la souffrance la présence d’un amour analogue à celui qu’on lit dans le sourire d’un visage aimé. » Si nous ne voyons pas dans le Christ l’amour qu’il n’a cessé de nous dire, si nous ne le regardons qu’avec des pensées indifférentes, alors notre prière manque d’âme.

Seigneur, apprends-nous à prier comme tu priais et notre âme en sera illuminée.

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Aloyse SCHAFF

Capitaine de Port Saint Nicolas.
Prêtre du diocèse de Metz. Fut professeur de sciences physiques et directeur du lycée Saint-Augustin à Bitche (57).
Activités pastorales dans les communautés de paroisses du Bitcherland.
Animation d’ateliers d’information et de réflexion sur les textes bibliques et l’histoire chrétienne : Pères de l’Eglise, fondateurs des grands ordres religieux, les grands papes, les grands saints du Moyen-Âge, du XVIe siècle. Des présentations à découvrir sur le site.

Publié: 13/03/2022